Droits de l’Homme : vision, application

16 novembre 2008
Droits de l'Homme : vision, application

Gr ?ce, droit de l’homme,

Il y a soixante ans, le 10 d ?cembre 1948 pr ?cis ?ment, les Nations Unies adopt ?rent, ? l’issue de n ?gociations tr ?s difficiles, la D ?claration Universelle des droits de l’homme. Il s’agissait d’un compromis d ?licat entre deux conceptions sur les droits humains : d’une part, celle qui donnait la pr ?pond ?rance aux droits civiques et politiques, h ?riti ?re historique desprincipes gr ?co-romains et privil ?gi ?e par les occidentaux, et d’autre part, celle accordant la priorit ? aux droits ?conomiques et sociaux, cherchant ses racines philosophiques dans la charit ? pr ?ch ?e par des religions du Livre. Notons que cette deuxi ?me conception ?tait ? l’ ?poque ch ?re aux pays en voie de d ?veloppement et, bien s ?r, au camp socialiste.

Six d ?cennies plus tard nous ne pouvons qu’admirer l’ ?quilibre politique et l’ ?conomie philosophique du texte de la D ?claration Universelle. En effet, nous constatons que pratiquement tout ce qui ? l’ ?poque, semblait aux uns une utopie et aux autres un compromis tr ?s insuffisant, constitue aujourd’hui un acquis d’acceptation universelle. D ?sormais la D ?claration est enfin un texte accept ? dans son int ?gralit ?, non seulement par les id ?ologues et les professeurs de loi, mais aussi - et surtout - par les hommes politiques et les diplomates qui, ? tort ou ? raison, portent la responsabilit ? de la prise de d ?cisions. C’est ainsi que la vision des id ?ologues est devenue une r ?alit ? et que le compromis d ?licat des diplomates est devenu un ensemble coh ?rent et presque harmonieux.

D’autre part aujourd’hui, les questions ne manquent pas : quelle serait la voie ? suivre dans l’avenir ? Quelle politique faudra-t’il adopter afin de servir la cause universelle de la protection et de la promotion des droits de l’homme ? Faut-il privil ?gier l’approche des visionnaires, l’approche des juristes ou bien celle des hommes politiques et des diplomates ?

A mon avis, dans ce cas pr ?cis comme dans beaucoup d’autres, le pass ? peut bien nous servir en tant que guide pr ?cieux. Car l’exp ?rience nous montre que, comme il n’y a pas de progr ?s sans visions, il n’y a pas non plus de succ ?s sans l’esprit du r ?alisme, le respect des r ?alit ?s, le sens de l’ ?quilibre ou m ?me le go ?t du compromis. C’est dans cette optique du visionnaire r ?aliste que la Gr ?ce aborde le pr ?sent et l’avenir de la cause universelle des Droits de l’Homme. C’est ainsi que, malgr ? les critiques des ?ternels sceptiques, nous croyons qu’ ? partir des
positions, parfois oppos ?es, des divers acteurs, dont chacun a ses propres id ?es et m ?me ses propres int ?r ?ts, une synth ?se pourrait bien surgir, un ensemble compatible avec les id ?aux universels du respect et de la promotion des droits et de la dignit ? humains. C’est dans cette optique que, dans le secteur des droits de l’homme comme ailleurs, il est indispensable d’oeuvrer syst ?matiquement en faisant preuve de pers ?v ?rance mais aussi de r ?alisme.

En Gr ?ce, qui se dit souvent berceau de la d ?mocratie, nous sommes convaincus que la d ?fense des droits et des libert ?s fondamentaux va de paire avec la consolidation des acquis d ?mocratiques et le bon fonctionnement de l’ ?tat de droit. Nous sommes convaincus que leur respect et leur promotion constituent le pivot de l’exercice de la d ?mocratie.

C’est une ?vidence que nous soutenons le caract ?re universel, inali ?nable et interd ?pendant des droits de l’homme civils et politiques, ?conomiques, sociaux et culturels. D’ailleurs la paix, la justice, la s ?curit ?, la stabilit ?, l’ ?radication de la pauvret ? et le d ?veloppement socio- ?conomique sont ?troitement entrelac ?s dans la th ?orie comme dans l’histoire.

Etat membre de l’Union Europ ?enne depuis presque 30 ans, la Gr ?ce est fi ?re de contribuer ? la politique de l’UE qui promeut les droits de l’homme, la d ?mocratisation et l’ ?tat de droit ? l’int ?rieur de l’Union et dans les pays tiers.

La fin de la Guerre froide a fort heureusement donn ? naissance ? une nouvelle ?re d ?pourvue de la menace d’un conflit militaire entre les deux puissances potentiellement fatal pour tous. N ?anmoins la nouvelle ?poque a ?t ? porteuse de nouvelles menaces, de nouveaux d ?fis : le crime organis ?, la traite des ?tres humains, l’extr ?me pauvret ?, les Etats d ?faillants, la d ?t ?rioration de l’environnement… Ils pourraient tous engendrer la d ?stabilisation d’ ?tats et de r ?gions et provoquer des guerres civiles et internationales et, bien s ?r, des
catastrophes pour les droits de l’homme.

Une nouvelle ?poque accompagn ?e de nouveaux d ?fis, de nouvelles
menaces, se trouve devant nous. De nouvelles institutions sont parfois n ?cessaires. C’est dans ce cadre que nous avons soutenu, d ?s le d ?but, les efforts pour la cr ?ation d’un Conseil des Droits de l’Homme renforc ?, efficace et moderne.

Ce n’est en effet qu’au bout de presque deux ans d’efforts soutenus que les nouveaux m ?canismes du Conseil des Droits de l’Homme peuvent maintenant, et enfin, ?tre mis en place.

Notons que, parmi eux, il semble que l’examen p ?riodique universel aura une grande influence sur la cr ?dibilit ? de l’Institution, car pour la premi ?re fois dans l’histoire des Nations Unies, tous les pays membres seront examin ?s quant ? leur respect des Droits de l’Homme.
Il s’agit d’un projet vraiment ambitieux.

N ?anmoins ce n’est pas l’Examen P ?riodique Universel qui d ?montrera ? lui seul si le Conseil sera en mesure de r ?pondre aux d ?fis de notre ?poque. Nous ne sommes pas sans savoir que le combat pour les droits de l’homme est un combat difficile qui exigera notre d ?vouement continu. Le nouveau monde, les nouvelles menaces, les nouvelles n ?cessit ?s montrent le chemin de nouvelles conceptions des droits de l’homme. Certains parlent m ?me d’une nouvelle g ?n ?ration de droits. C’est dans cet esprit que la Gr ?ce, soucieuse de la promotion de la notion de la S ?curit ? Humaine a ax ? sa pr ?sidence du R ?seau de la S ?curit ? Humaine sur les retomb ?es du changement climatique. La protection contre la d ?gradation du climat, la d ?t ?rioration de l’environnement qui affligent surtout les plus pauvres, les femmes, les enfants et les petits pays insulaires constituent un d ?fi des droits de l’homme, une obligation morale pour toute la soci ?t ? internationale. C’est dans cet esprit que la Gr ?ce a soumis sa candidature pour ?lection au Conseil des Droits de l’Homme pour les ann ?es 2012-2015.

Finalement il faut rappeler que, bien que la nouvelle ?poque nous ait apport ? de nouvelles menaces, et par cons ?quent le besoin d’adopter de nouvelles formes de protection des droits humains, le noyau des droits fondamentaux de l’homme n’a point ?t ? modifi ?. Il faut toujours, et peut- ?tre avant tout, pouvoir et garantir la libert ? d’opinion, l’ ?galit ? des citoyens devant la loi, la libert ? de la religion, l’ ?galit ? des sexes, continuer la lutte contre la pauvret ?, prot ?ger l’expression culturelle. Il faut toujours veiller ? la protection des droits fondamentaux de l’individu et du citoyen comme il faut toujours t ?cher de garantir les moyens de son existence.

Le combat contre toute forme de racisme est et doit demeurer en premi ?re ligne de nos pr ?occupations. Dans tous les cas, il ne faut jamais m ?conna ?tre le fait que les droits constituent un ensemble dont le respect doit ?tre ?quilibr ? pour ?tre efficace. Dans le cas contraire, nous risquons de cr ?er, malgr ? nous, des foyers de tension et d’injustice. N’oublions pas que la qualit ? d’ ?tre pluridimensionnel ne se borne pas aux seuls droits humains. La multiformit ? est un ph ?nom ?ne habituel dans la nature o ? plusieurs versions de vie doivent souvent
coexister dans l’ ?quilibre pour que l’harmonie soit atteinte.

Franciscos Verros,
Ambassadeur,
Repr ?sentant
permanent de la Gr ?ce

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