Human Trafickig au Yemen

2 January 2019

Le Yémen a de tout temps, été un pays de destination, de transit et un pays source pour les migrants. En avril 2018, le “Danish Refugee Council” estimait que le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire s’élevait à 22,2 millions. Ce chiffre inclus 2,014 millions de personnes déplacées et 280,692 réfugiés et demandeurs d’asile dont la majorité vient de Somalie et d’Ethiopie.

Selon les estimations de l’Organisation Internationale pour les Migrations (IOM) ce sont un peu plus de 7.000 migrants africains qui arrivent au Yémen, fuyant la violence et la pauvreté qui sévissent dans leurs pays, l’Ethiopie, la Somalie ou encore l’Erythrée. Ils espèrent atteindre les pays du Golfe, particulièrement l’Arabie Saoudite, à leurs yeux, plus prospères. Les plus chanceux parviennent à trouver un travail clandestin. Les plus vulnérables deviennent des proies idéales pour les trafiquants et autres réseaux criminels. "Une fois au Yémen, de nombreux migrants subissent des abus physiques et sexuels, sont victimes de détention arbitraire voire de travail forcé." Ces abus conduisent parfois à la mort, estime l’OIM. Dans un rapport publié le mois dernier, Human Rights Watch affirme que des employés du gouvernement yéménite ont "torturé, violé et exécuté" des migrants et demandeurs d’asile dans le centre de détention pour migrants de Buraika, situé dans la province d’Aden, (au sud du Yémen.) La plupart des migrants ont moins de 25 ans, mais beaucoup sont des enfants.

Traverser l’Éthiopie, Djibouti et le Yémen pour parvenir dans les pays du Golfe sans avoir recours, ne serait-ce qu’à un moment donné, à un passeur, est pratiquement impossible. Si un migrant tente de faire cavalier seul, il s’expose à de graves dangers face aux réseaux de contrebande qui considèrent qu’ils perdent de l’argent s’il entreprend de voyager seul. Las, une fois au Yémen, et après avoir couru mille dangers, les migrants se retrouvent pris dans un conflit des plus dangereux, sont parfois grièvement blessés ou trouvent la mort lors de bombardements. Beaucoup de migrants, parmi eux de jeunes enfants, sont placés dans des centres de détention. « Aucun migrant ne devrait être placé en détention, en particulier des enfants, » affirme l’OIM, qui plaide en faveur de leur fermeture.

En avril 2018, Human Rights Watch déclarait que des responsables du gouvernement yéménite avaient torturé, violé et exécuté des migrants et des demandeurs d’asile en provenance de la Corne de l’Afrique dans un centre de détention situé au sud du pays, dans la ville portuaire d’Aden. En juin 2018, Mohammed Abdiker, directeur des opérations et des urgences pour l’Agence des Nations Unies pour les migrations, (IOM) déclarait à CNN : « lors d’une récente visite au Yémen, je me suis rendu dans un centre de détention de migrants dans la capitale, Sanaa, où j’ai rencontré des adolescents en grande détresse. J’ai posé une question à plus de 200 migrants, principalement des jeunes hommes: si je pouvais amener un bus ou un avion pour vous ramener chez vous en ce moment, voudriez-vous y aller. Ils ont tous levé la main, montrant à quel point ils voulaient désespérément sortir. »

D’anciens détenus ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils avaient été battus avec des barres et des bâtons en acier, fouettés, frappés, menacés de mort, déportés par les gardiens qui auraient par ailleurs forcé les femmes à enlever leurs abayas et leurs foulards. Ils auraient également pris l’argent des migrants, leurs effets personnels et les documents fournis par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. D’autres ont déclaré que l’installation était surpeuplée, les conditions d’hygiène plus que déplorables et l’accès aux soins médicaux limité. L’approvisionnement en nourriture était incohérent et les gardes retenaient parfois la nourriture. Des gardes auraient régulièrement agressé sexuellement des femmes, des petites filles et des garçons, surtout parmi les plus petits : "Chaque nuit, ils en prenaient un ou plusieurs pour les violer", a déclaré un ancien détenu. "Pas tous. Surtout les plus petits. » Une femme éthiopienne qui avait été détenue dans l’établissement a déclaré qu’elle souffrait toujours après qu’un gardien l’ait battue sévèrement pour avoir refusé de faire l’amour avec lui.

"Les gardiens du centre de détention d’Aden pour migrants ont brutalement battu des hommes, violé des femmes et des garçons et envoyé des centaines de personnes sur des bateaux surchargés", a déclaré Bill Frelick, directeur des droits des réfugiés à Human Rights Watch. Pour lui, la crise au Yémen ne justifie en rien cette cruauté et cette brutalité. « Le gouvernement yéménite devrait y mettre un terme et demander des comptes aux responsables," a-t-il ajouté.

Toujours selon d’anciens détenus, les autorités yéménites auraient empêché les organisations humanitaires internationales qui se sont rendues dans le centre, d’examiner les migrants gravement blessés. Selon un témoin, les gardes sont restés à proximité des travailleurs humanitaires et ont empêché les détenus de leur parler.
Personne ne connaît l’ampleur réelle du problème en raison de la situation sécuritaire dans le pays, et en raison du danger que cela représenterait, pour qui que ce soit, d’être exposé aux réseaux de trafiquants et de contrebande. En dépit des chiffres avancés, personne n’est en mesure aujourd’hui de dire exactement combien de migrants sont au Yémen, combien y restent pour travailler, combien veulent se rendre dans les pays du Golfe. Personne ne sait non plus combien sont détenus par des passeurs ou se trouvent dans des centres de détention officiels, ni combien sont victimes de la traite. Ce que l’on sait en revanche, c’est que le nombre de migrants qui voyagent de la Corne de l’Afrique au Yémen pour se rendre dans le Golfe est beaucoup plus élevé que le nombre de migrants qui veulent se rendre en Europe.

Célhia de Lavarène
Septembre 2018