Islam, Soufisme, Evangelisme - La guerre ou la paix - Par Zidane Meriboute
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Le monde arabo-musulman est en agitation. Le livre de Zidane Meriboute propose un panorama de l’islam dans ce contexte, nourri d’une fréquentation assidue des divers courants islamiques dans le monde arabe et enrichi d’une connaissance pointue de l’histoire des figures émergentes actuelles. Sur l’islam mondial, les salafismes violents et non violents et le soufisme, courant très en vogue dans le monde et notamment en Occident, cette étude nous livre des informations de première main en nous introduisant, de manière pédagogique dans la complexité et la diversité des courants musulmans contemporains. Ces analyses sont complétées par une évocation de l’évangélisme américain, mouvement chrétien conquérant qui s’inscrit durablement dans le monde musulman au prix d’une déstabilisation risquant de déséquilibrer encore davantage une réalité perturbée. L’offensive des chrétiens évangéliques au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient, s’inscrit, selon l’auteur, dans une logique de confrontation avec les musulmans. La paix ou la guerre ? Zidane Meriboute propose de nouvelles pistes pour la mise en place d’une authentique diplomatie religieuse, appelée à contrecarrer par des dialogues finement construits des perspectives d’affrontements religieux entre Chrétiens et Musulmans. Cet ouvrage accueille par ailleurs dans une annexe les photos inédites de l’une des figures majeures du soufisme africain (appartenant à la branche soufie de la Tidjaniyya), cheikh Hamallah, dont la tombe à Montluçon (France) suscite de très nombreux pèlerinages venus d’Afrique. Cette révélation de Zidane Meriboute lève le voile sur cette personnalité africaine disparue par la force des intrigues coloniales, dont les fidèles se comptent par centaines de milliers, en Mauritanie, au Mali, au Niger, au Sénégal, en Gambie et à travers tout le Sahel et l’Europe. Ouvrons la parenthèse les documents inédits et sur les révélations que nous fait l’auteur dans son chapitre 4, pages 163 et suivantes sur le grand chef religieux Africain Cheikh Hamallah ou Hamalhoullah, leader du mouvement Hamalliste.
En quoi consiste la théorie de la résistance non violente du hamallisme mauritano-sahélien ?
Le mouvement mystique du cheikh Hamahoullah influence aujourd’hui des millions d’adeptes soufis d’Afrique de l’Ouest et du Sahel. On retrouve les hamallistes en Mauritanie , au Niger, au Mali, au Sénégal, en Gambie, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Burkina Faso et dans toute l’Europe. Nous allons donc nous attarder un peu sur ce mouvement .
Comme on l’a vu, le hamallisme est né d’un grand mystique de l’Afrique occidentale française, le cheikh Hamahoullah, ou Hamallah, (1883-1943). Sa confrérie piétiste refusait de se mêler à la politique, tout en opposant, cependant, une résistance civile et pacifique, de type gandhiste non violent, aux desseins colonialistes d’acculturation. Très tôt, les colonisateurs virent en cheikh Hamallah et sa confrérie un obstacle à leur souveraineté en Afrique occidentale et une menace à leur « plan d’une meilleure administration des nomades » qui vaquaient, en toute liberté, sur les confins frontaliers entre le Soudan français (le Mali) et la Mauritanie. Les frontières en question furent d’ailleurs rectifiées en 1944. Pour d’autres raisons qui demeurent obscures, le cheikh Hamallah fut persécuté sans relâche, puis déporté et emprisonné par les colons français d’Afrique de l’Ouest. Il convient d’ajouter que certains représentants religieux locaux de l’époque l’avaient également dénigré. D’aucuns avaient même prévu la fin du hamallisme. Or, on constate que ce mouvement s’est bel et bien renforcé en Afrique et à travers le monde. À titre d’exemple, en 2007, lorsque l’auteur a visité, à Montluçon (France), le tombeau où le cheikh Hamallah est supposé avoir été inhumé après sa mort en détention, il a été impressionné par les vagues de pèlerins, d’une grande variété ethnique et raciale, qui venaient d’Afrique et d’Europe se recueillir sur sa tombe.
Ajoutons que la seule photo connue du cheikh Hamallah alors qu’il était captif du régime de Vichy a été publiée par Alioune Traoré. Cependant, Oumar Dicko, un autre chercheur malien, a enquêté sur cette photo et l’a publiée avec la mention suivante : « Photo anthropométrique anonyme. Source Alioune Traoré dans Cheikh Hamaoullah, homme de foi et résistant. Plusieurs personnes contestent l’authenticité de cette photo en milieu hamalliste ». Le doute jeté par Dicko sur le seul portrait photographique existant du cheikh a incité Zidane Meriboute à entreprendre une recherche auprès des archives et des préfectures et mairies françaises des lieux où celui-ci avait été détenu. Cette investigation a pris plusieurs mois, sans résultats significatifs. Finalement, il a pu obtenir un témoignage exceptionnel et des photos du cheikh – inédites jusqu’alors – de la part d’une personne qui l’avait côtoyé à l’âge de 15 ans. Il s’agit de Robert Courrier, fils du commissaire Courrier, qui avait hébergé le cheikh dans sa propre famille avant que le gouvernement ne demande son transfert au centre de détention de Evaux-Les-Bains où il tomba malade. Ce témoignage de Monsieur Courrier, aujourd’hui âgé de 82 ans, a été corroboré par les résultats des recherches que Z.Meriboute a faites ensuite dans les archives officielles du gouvernement de Vichy. Le témoin donne une description émouvante de sa rencontre avec le cheikh, personnage dont il garde un souvenir de sagesse, de calme et de sérénité (voir pp.234 et suiv. du livre).
Nous livrons ici dans Diva International, avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur, les photos incontestables du Cheikh disparu. Leur authenticité est avérée par des documents d’archives jusqu’ici non exploitées et par un témoin direct des événements.
Le cheikh Hamallah a une ascendance noble qui remonte au prophète Mohammed (Mahomet) par son père, et à l’ethnie négro-sémito-africaine sahélienne par sa mère.
Deux thèses importantes ont été consacrées au hammalisme du cheikh Hamahoullah : A. Traoré, Islam et colonisation en Afrique. Cheikh Hamahoullah : homme de foi et résistant , éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 1983, et Dicko, S.O., Hamallah (le protégé de Dieu), éditions Jamana, Bamako, 1999. Je renvoie le lecteur à ces travaux très fouillés ainsi qu’au livre de A. Hampâté Bâ, Vie et enseignement de Tierno Bokar. Le sage de Bandiagara, Seuil, Paris, 1980. Pour sa part, l’auteur s’est limité à aborder concrètement l’impact du hammalisme sur la société africaine d’aujourd’hui, et à revenir sur certains points non encore élucidés sur la question hammaliste.
© Editions Labor et Fides
Vals-les-Bains, 20 juillet 1942. De gauche à droite : le commissaire Charles Courrier, un de ses fils, Jacquou (5 ans), Robert Courrier à l’âge de 16 ans et le cheikh Hamallah.
Groupe de pèlerins soufis de Gambie, du Sénégal, de Guinée et du Mali venus se recueillir sur la tombe du cheikh Hamallah à Montluçon (France) en octobre 2007
Conclusion sur l’affaire du Cheikh Hamallah :
Il est important de souligner que dans cette affaire délicate et d’actualité en Afrique et en Europe (auprès des communautés d’Africains immigrés), deux thèses s’affrontent aujourd’hui chez les hamallistes concernant la nature mortelle du cheikh Hamallah. La première défend l’idée que le cheikh est un être humain, décédé et enseveli à Montluçon. Elle accepte le principe que son tombeau soit un haut lieu de pèlerinage hamalliste. La seconde, la thèse yacoubiste, rejette vigoureusement l’idée de la mort du cheikh et croit à son retour imminent . Ceux qui partagent cette dernière position considèrent que Montluçon n’est pas un lieu de pèlerinage. La question reste ouverte quant à la manière dont ce retour imminent va se réaliser : sera-t-il physiquement perceptible ou une manifestation de son esprit ?
L’auteur :
Zidane Meriboute est docteur en relations internationales et droit de l’Université de Genève. Il travaille actuellement au sein d’une importante organisation internationale comme consultant sur les relations avec le monde arabo-musulman. Il est l’auteur de La fracture islamique : demain le soufisme ? (Fayard 2004 et Editions Hibr d’Alger 2009), pour lequel il a obtenu la mention spéciale du jury du Prix Spiritualités d’Aujourd’hui 2005.
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