Chronique d’une semaine houleuse : Cent vingt chefs d’Etats et de gouvernements se sont réunis à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies. Un moment unique où la tribune de l’Onu devient la caisse de résonnance de la planète et cette année, une première pour Donald Trump, Emmanuel Macron et Antonio Guterres.

27 December 2017

La 72e cession de l’Onu s’est ouverte le 19 septembre sur fond de tensions et conflits : en Libye, en Syrie, au Soudan du Sud, en République Démocratique du Congo, au Burundi, au Yémen, en Corée du Nord, en Somalie, en Birmanie, en République Centrafricaine ou au Mali. Ils n’ont jamais été aussi nombreux, ni aussi violents. Cette fois pourtant, tous les regards étaient tournés vers l’imprévisible locataire de la Maison Blanche : Donald Trump. Allait-il saborder le multilatéralisme ? Affaiblir l’organisation, la détruire ?

Plusieurs états membres avaient eu un avant-goût des difficultés qui les attendaient le 18 septembre, lors de la réunion de haut niveau organisée par les américains, et présidée par Donald Trump, sur la réforme des Nations Unies concoctée par son administration. Réunion à laquelle Guterres, (qui devait introduire son programme de réforme), avait plus ou moins été obligé d’assister. Les consignes étaient formelles : seuls les pays signataires du texte sur la réforme qui leur avait été remis par Nikki Haley, la représentante américaine, auraient le droit d’y assister. La France, qui dix jours auparavant avait reçu l’ordre du Quai d’Orsay de ne pas parapher le document, se résignait et comme pratiquement tous les membres de l’Union Européenne, et d’autres, le signait par crainte d’être isolée. Curieusement, au cours de cette réunion, seuls Trump, Antonio Guterres et Nikki Haley ont pu s’exprimer.

Le lendemain, dans son discours fédérateur et pacificateur, le Secrétaire général de l’Onu a plaidé pour un monde sans armes nucléaires, appelé les états à agir pour la paix et rappelé que le multilatéralisme ‘est plus important que jamais’. Celui plus va-t-en-guerre et unilatéraliste du président Trump, (il a duré 41 minutes au lieu des 15 requises) a fait l’effet d’une bombe et suscité de vives inquiétudes. Visiblement destiné à ses électeurs et à la chaine américaine FoxNews, il a plaidé en faveur de nations fortes, souveraines et indépendantes et réaffirmé sa préférence pour l’Amérique d’abord, avant de s’en prendre à la Corée du Nord qu’il a menacée de destruction totale –une première à la tribune des Nations Unies-, et à l’Iran, dont il a remis en cause la pérennité de l’accord signé par les grandes puissances, -accord obtenu au terme de longues négociations pour encadrer le programme nucléaire. Cuba, sur lequel il veut réimposer des sanctions et le Venezuela, sur lequel il fait planer la menace d’une intervention militaire, ont également fait partie des pays visés par sa vindicte.

Au cours d’un discours dont les envolées lyriques ont séduit un auditoire toujours sous le choc, le président français Emmanuel Macron a assuré que l’accord de Paris ne serait pas renégocié et plaidé pour une diplomatie multilatérale plus efficace, enjoignant les pays qui seraient tentés de tourner le dos à l’Iran de ne pas le faire, cependant que Justin Trudeau, le président canadien choisissait de faire son mea culpa pour le mauvais traitement que son pays a infligé aux peuples indigènes, et célébrait la compassion de ses compatriotes pour les réfugiés.

La cession de l’Assemblée générale ne se résume pas à des discours. C’est l’occasion de rencontres improbables entre chefs d’états qui ne se seraient jamais parlés. De réunions qui parfois ne rencontrent pas le succès escompté. Celle qui s’est tenue sur la force G5 Sahel à l’initiative de la France et à laquelle devait participer les présidents des cinq pays concernés (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) ne s’est pas déroulée comme l’aurait souhaité Paris. Idriss Deby, le président tchadien n’est pas venu. Pour raisons logistiques, dit-on dans les milieux diplomatiques. Pour des raisons financières, dit-on en coulisses. Il aurait compris que le G5 ne disposerait pas de beaucoup d’argent ! Apparemment, aucun des présidents ne voulaient venir. La France aurait demandé au président Ibrahim Boubacar Keïta de les convaincre. Pour Paris, qui attendait des africains qu’ils participent à sa mise en œuvre et qu’ils montrent le côté innovant de la force, c’est un sérieux revers. Depuis des mois, la force G5 Sahel est le cheval de bataille de la France, la solution pour retirer Barkhane et permettre aux africains de prendre en main leur sécurité. Paris, qui espérait présenter une résolution devant le conseil de sécurité sur la force G5 Sahel en octobre prochain, pendant la présidence française, ne devrait pas insister.

L’Assemblée générale, c’est parfois aussi l’occasion de moments cocasses. Témoin cette scène : le convoi vide du président iranien se gare devant l’entrée réservée aux VIPs. Au même moment, un convoi arrive avec à son bord, le vice-président américain Mike Pence. Rohani sort de l’Onu et monte dans sa voiture. Celle de Pence est arrêtée juste à côté de celle du dirigeant iranien. Pourtant les deux hommes ne se croiseront pas. Les agents des services secrets ont attendu que Rohani soit monté dans sa voiture pour faire sortir Pence.

Qualifié par certains de bal des hypocrites et de grande messe médiatique, cette 72e cession restera marqué par un seul homme : Donald Trump. Un homme qui n’a pas mentionné l’accord de Paris sur le climat, alors que trois ouragans venaient de ravager les côtes américaines et les Caraïbes. Un homme qui a remis en cause l’accord iranien, qualifié « d’Etats voyous » des pays qui, pense-t-il, représentent une menace ‘pour leur peuple et pour le monde’, et qui a annoncé triomphalement que 700 milliards de dollars seraient investis dans la défense, pour une armée américaine plus puissante que jamais.

« Que Dieu bénisse les nations du monde et que Dieu bénisse les Etats Unis d’Amérique » a conclut le locataire de la Maison Blanche devant une assemblée médusée.

Celhia de Lavarene

Octobre 2017