Lakhdar Brahimi succède à son ancien patron aux Nations unies, Kofi Annan, qui a démissionné le 2 août en invoquant le manque de soutien des grandes puissances à ses efforts pour mettre fin à 17 mois de violence en Syrie.

28 August 2012

En acceptant de succéder à Kofi Annan, Lakhdar Brahimi fait le pari le plus audacieux de sa carrière. À 78 ans, l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères qui fut l’émissaire de l’ONU en Afghanistan, puis en Irak va devoir tenir compte des avis diamétralement opposés des élites politiques du monde dont la devise, depuis le début des violences en Syrie, est devenue « il est urgent de ne rien faire. »

Ces mêmes élites politiques sont d’accord sur un point : protéger les populations. C’est même devenu leur leitmotiv. La question qui se pose cependant est la suivante : de quelles populations parle-t-on? Des sunnites, des Alaouites, des chrétiens, des Kurdes ? La Syrie est en proie à une guerre civile et comme dans toute guerre civile, les deux camps se livrent à des atrocités. L’ONU vient de reconnaitre que l’état syrien était responsable de crimes contre l’humanité et que les rebelles, de crimes de guerre. La différence s’explique par les moyens supérieurs dont disposent les forces gouvernementales comparés à ceux des rebelles. Si les rebelles parviennent au pouvoir, les membres de minorités ethniques ou religieuses seront probablement pourchassés et massacrés. Les Alaouites le savent bien et c’est la raison pour laquelle ils se battront jusqu’au bout sachant que pour eux, il n’y a pas d’alternative.

Les indéniables dons de diplomate de Lakdhar Brahimi risquent de s’enliser dans bourbier syrien. A l’évidence, le gouvernement d’Al-Assad ne peut pas gagner, quant aux rebelles, il leur est impossible de gagner par la guerre.

« Le Problème syrien, est un vrai casse-tête » explique un expert du monde arabe, « car c’est toute une région qui est en passe d’être déstabilisée à commencer par le Liban, la Jordanie, l’Iran et Israël. On ne peut pas exiger qu’Al-Assad démissionne. De nombreux pays occidentaux préfèrent encore le garder au pouvoir car la Syrie est le seul état laïc de tout le monde arabe. Mais ils ne l’avoueront pas» Pour lui, la solution russe est peut-être la moins mauvaise. «Un gouvernement de coalition avec l’opposition qui, de toute façon, ne pourra jamais désarmer les islamistes de tous bords qui se trouvent actuellement sur le sol syrien, serait la meilleure solution, » dit-il.

"Jamais dans ma carrière je n’ai cru qu’une situation était sans espoir ou qu’il était impossible de changer la donne, malgré tout ce qu’on disait autour de moi", a déclaré un jour Lakhdar Brahimi. "C’est peut-être la seule personne à avoir le courage et la crédibilité nécessaires dans le monde arabe pour réussir un tel exploit", estime un diplomate occidental. "Mais même cet optimiste forcené doit savoir qu’il s’agit d’une situation désespérée." Lakdhar Brahimi le sait mieux que quiconque. Il y a quelques jours, il confiait à un proche ne pas croire aux miracles.

Célhia de Lavarène, Nations Unies, New York, août 2012