Mounir Ghabbour, Un architecte qui œuvre pour la préservation de la mémoire égyptienne et l’essor du Chemin de la Sainte Famille en Égypte
Lorsque l’UNESCO a inscrit, en 2022, le « Voyage de la Sainte Famille en Égypte » au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, ce fut un moment marquant pour le pays... Une consécration qui souligne l’engagement sans faille dans la sauvegarde du patrimoine égyptien. À cet égard, Alaa Youssef, Ambassadeur d’Égypte en France et Délégué permanent auprès de l’Unesco et Mounir Ghabbour, fondateur et président à la tête de l’Association nationale pour la renaissance du patrimoine égyptien (NEHRA) ont été honorés par le prix OFDEH. Cette distinction leur a été remise lors d’une cérémonie empreinte de solennité à Paris ; un événement qui s’est déroulé au cœur même de la Ville Lumière. Ce prix représente bien plus qu’une simple récompense : il est le symbole d’une reconnaissance internationale des efforts inlassables déployés pour que vive et rayonne le riche héritage culturel égyptien.
En avril 2017, lors de son séjour en Égypte, le Pape François a fait une annonce marquante : la « Route de la Sainte Famille » serait désormais intégrée aux itinéraires de pèlerinage reconnus. Quelques mois plus tard, Jean Maher, président de l’OFEDH, et Anba Athanasios, évêque-métropolite au sein de l’Église copte française, ont orchestré un premier périple pour des pèlerins français. Ils ont emboîté le pas à la Sainte Famille sur les terres égyptiennes.
Suite à cette reconnaissance par l’UNESCO comme élément du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité... une célébration s’imposait. Jean Maher n’a pas manqué d’élever l’événement à la hauteur du prestige conféré : il a organisé une soirée mémorable qui rendait hommage au voyage historique de la Sainte Famille en Égypte, ce pays qui fut jadis le refuge des prophètes. L’événement s’est articulé autour d’une conférence-concert ; les participants étaient invités à plonger dans un legs culturel et spirituel d’une richesse inestimable.
Cette réunion fut également l’occasion appropriée de distinguer et de mettre en lumière l’œuvre de Mounir Ghabbour pour lui exprimer reconnaissance et gratitude pour son rôle clé dans la matérialisation de ce projet ambitieux.
Sa sélection pour ce prix salue son engagement déterminant dans la préservation et le renouveau du patrimoine égyptien. À l’initiative de cet homme d’exception, l’Association nationale pour la renaissance du patrimoine égyptien (NEHRA) a élaboré un programme ambitieux... Son objectif ? Sensibiliser à la valeur inestimable de cet héritage culturel et encourager les Égyptiens à en revendiquer la richesse. Ainsi, chaque 1er juin, date à laquelle l’Église copte orthodoxe commémore l’arrivée de la Sainte Famille en Égypte, une effervescence particulière s’empare du pays. Les célébrations rassemblent une foule hétérogène, jeunes et moins jeunes, musulmans comme coptes, unis par leur amour pour une histoire commune. Un programme dans la diversité : des mélodies puisées dans le répertoire traditionnel ; des jeux transmis de génération en génération ; des peintures corporelles aux motifs évocateurs ; des reconstitutions qui nous plongent dans les pages de cette histoire ; des cortèges empreints d’une solennité touchante... Sans oublier les spectacles artistiques qui captivent les regards et les papilles réjouies par un éventail de saveurs ancestrales.
Ces festivités renforcent la cohésion sociale et culturelle entre les communautés coptes et musulmanes, non seulement pendant les préparatifs mais aussi durant les célébrations. Elles sont aussi l’occasion pour les résidents de se porter volontaires pour aider les pèlerins et d’échanger des cadeaux. La transmission des connaissances et des pratiques associées à cet héritage culturel est assurée par les institutions religieuses telles que les églises et les monastères, au sein des familles et par la participation active aux rituels.
Le parcours d’un leader, Mounir Ghabbour et son engagement pour le patrimoine de l’Égypte
Ses collègues le caractérisent comme un homme d’affaires intègre et estimé ; animé par une passion pour sa patrie, il aspire à révéler les multiples visages de l’Égypte, au-delà des emblématiques pyramides et du sphinx... L’itinéraire de Mounir Ghabbour s’inscrit dans une démarche d’engagement profond envers le patrimoine égyptien. Homme de caractère, il ne cède pas à la tentation de l’autosatisfaction, malgré les succès indéniables qui jalonnent son parcours.
Il nous confie, avec une retenue qui lui est propre, avoir été pionnier dans la création de compagnies d’assurance privées en Égypte. Son esprit avant-gardiste l’a également conduit à l’établissement de complexes hôteliers et au développement du tourisme culturel et spirituel en Égypte. À travers ses dix navires naviguant sur le Nil, il a ouvert les portes de ce trésor régional à un flot ininterrompu de visiteurs.
Durant trois décennies, M. Ghabbour a endossé le rôle d’ambassadeur économique pour l’Égypte auprès du géant automobile français Renault VI. Cette collaboration fructueuse lui vaut... non pas des louanges qu’il chercherait lui-même ; mais une distinction honorifique : sous la présidence de Jacques Chirac, il est fait Chevalier de la légion d’honneur, un titre qui vient saluer tant sa contribution au rayonnement économique que son dévouement pour la valorisation du patrimoine égyptien.
Lors d’un échange franc et convivial, nous avons eu l’honneur de nous entretenir avec Mounir Ghabbour, président de l’Association nationale pour la renaissance du patrimoine égyptien (NEHRA), architecte d’une ambitieuse initiative visant à raviver le riche héritage culturel de l’Égypte. Cette rencontre s’est déroulée à Paris, suite à la distinction par l’UNESCO du chemin de la Sainte famille en Egypte de Patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
QUESTION : Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
Actif dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, je suis propriétaire de trois établissements hôteliers au Caire. Depuis 1992, j’ai diversifié mes activités en développant une flotte dédiée aux croisières sur le Nil... Un itinéraire entre Louxor et Assouan, là où se dressent quelques-uns des plus illustres monuments du pays. Ce voyage fluvial offre une expérience inoubliable : il est une fenêtre ouverte sur nos terres fertiles bordées d’eau et sur notre désert mystérieux. En somme, l’Égypte se révèle être un musée sans murs sous le ciel infini.
Q : Vous travaillez beaucoup ?
Effectivement, je m’investis dans mes activités quotidiennes en dédiant à peu près quatorze heures par jour à mon travail. Ce rythme soutenu fait écho à trente ans d’engagement professionnel durant lesquelles j’ai eu l’honneur et le défi d’être partenaire privilégié de Renault en Égypte.
Q : C’est ainsi que vous parlez bien français.
Je me débrouille, en effet... Quant à mon épouse, son français est remarquable. Élevée au cœur de l’Égypte, elle a bénéficié d’une éducation francophone, un atout précieux !
Q : Lors de la cérémonie où vous avez été honoré, votre discours de remerciement évoquait Sainte Fatima du Portugal...
Le Portugal, peuplé d’un peu plus de 10 millions d’âmes, voit affluer chaque année 27,5 millions de visiteurs vers le sanctuaire de Fatima. Il est essentiel d’analyser ces chiffres... ils nous démontrent qu’il n’est pas question d’être les meilleurs. L’enjeu réside dans notre capacité à séduire et à forger une identité forte pour notre nation. Prenez l’Égypte : le flux touristique sur le circuit du Chemin de la Sainte Famille reste modeste. Pourtant, ce parcours est un legs inestimable pour l’humanité. Dotée d’un ensoleillement perpétuel, d’un patrimoine historique foisonnant et jouissant d’une position stratégique, autant d’atouts qui prédisposent l’Égypte à redevenir une destination touristique culturelle majeure... Il ne nous reste plus qu’à reconquérir cette place qui nous revient.
Q : Pourriez-vous nous éclairer sur les origines de votre expertise concernant le chemin de la Sainte Famille ?
Originaire d’Helwan, en Égypte, cette terre riche d’un passé préhistorique, égyptien, romain et musulman m’a vu naître. C’est en 1998 que l’opportunité s’est présentée à moi par l’intermédiaire de Mamdouh Baltagi, alors ministre du tourisme égyptien et ami personnel, qui, conscient que l’an 2000 approchait à grands pas, aspirait à marquer cet événement par un projet d’envergure pour notre pays.
Je lui ai proposé alors une idée qui me tenait à cœur : mettre en lumière « Le chemin de la Sainte Famille en Égypte », un itinéraire culturel encore trop méconnu comparativement aux célèbres sites touristiques mondialement révérés. L’idée fut accueillie avec enthousiasme… Nous avons ainsi organisé une somptueuse réception sur le Nil pour célébrer cette initiative. Hélas ! Les circonstances politiques de l’époque, notamment les agissements d’un groupe d’extrémistes musulmans ayant pris pour cible des chrétiens ont contraint le gouvernement à mettre un frein temporaire au développement de notre projet...
Au fil de plusieurs années d’engagement, j’ai entrepris la restauration de plusieurs sites, une dizaine pour être précis. Par ailleurs, je me consacre à deux projets d’envergure. Le premier vise à transformer Zeitoun, quartier périphérique du Caire, en une destination de renommée internationale. Zeitoun est célèbre pour ses « apparitions mariales » qui ont débuté le soir du 2 avril 1968 et se sont étendues sur près de trois ans. Cet ambitieux projet nécessite un investissement d’un milliard d’euros... Une somme que je n’ai pas encore en ma possession ; sa recherche constitue donc un défi majeur. L’exemple de Sainte Fatima au Portugal est éloquent : ce pays, peuplé de dix millions d’âmes, attire pas moins de 27 millions de visiteurs autour de sa cathédrale emblématique où les pèlerins affluent avec ferveur. Pourquoi ne pas envisager un tel afflux en Égypte ? Si un tel lieu sacré suscite l’intérêt international là-bas... pourquoi Zeitoun ne bénéficierait-il pas du même attrait ?
Le second projet est pour le site qui se situe entre Assiout et Sohag, plus précisément à Gabal al Tayr ou « Montagne des oiseaux » en arabe. Cette élévation de terre, s’élevant à près de cent quatre-vingt mètres, abrite un monastère historique fondé par la reine Hélène. C’est en traversant le Nil depuis Salamut que la Sainte Famille a fait halte à Gabal al Tayr, sur la berge est du fleuve. Le lieu tire son nom des volées d’oiseaux migrateurs qui viennent s’y reposer ; mais ce n’est pas tout... Il est dit qu’à leur arrivée, un temple pharaonique se dressait là où se tient aujourd’hui l’église. Devant le « vrai Dieu », les idoles auraient chuté, réalisant ainsi la prophétie d’Isaïe, une scène marquante qui aurait provoqué l’ire des prêtres païens. Face à leur colère menaçante, l’enfant Jésus aurait agi : une pression de sa main sur la roche et voilà que celle-ci s’entrouvre... Une fissure providentielle offrant refuge à sa famille, un geste divin gravé dans la pierre.
Monter les pentes de Montmartre requiert un certain effort ; pourtant, lors de mes séjours parisiens, je ne résiste pas au plaisir de flâner dans ce quartier mythique. Le Sacré-Cœur, majestueux sur son promontoire, veille sur la place du Tertre où l’effervescence créative des artistes peintres anime chaque recoin... Cette esplanade accueille des visiteurs venus des quatre coins du monde ; elle est bordée de cafés et restaurants conviviaux et desservie, qui plus est, par un téléphérique !
C’est cette effervescence que je rêve d’implanter en Égypte. Au-delà d’une simple visite religieuse, car les églises foisonnent et nombre d’entre elles sont dotées d’une beauté sans pareille, il s’agit de ressentir le poids de l’Histoire. Lorsque vous déambulez dans une place ancestrale... vous voilà transporté ! Et une fois la découverte terminée : que désirez-vous ? Un souvenir, une pause gourmande ou simplement savourer un verre en laissant le temps s’étirer… Ce n’est donc pas qu’une simple visite ; c’est une immersion totale dans un autre univers où chaque sens est sollicité. Voilà mon ambition : recréer cette atmosphère unique... celle qui fait battre le cœur des lieux chargés d’histoire et qui donne vie aux expériences inoubliables.
Q : Concernant le parcours du Chemin de la Sainte Famille, pourriez-vous nous indiquer la meilleure manière de l’aborder ?
Le pèlerinage de la Sainte Famille constitue un itinéraire spirituel et culturel, inauguré par le ministère égyptien du tourisme en 2021. Celui-ci suit les traces de Marie, Joseph et l’Enfant Jésus lorsqu’ils trouvèrent refuge, fuyant la Palestine vers les terres égyptiennes en venant du Sinaï. Parmi les vingt-cinq sites répertoriés sur ces 350 kilomètres d’histoire... je recommande une sélection judicieuse : une dizaine suffiraient pour embrasser pleinement cette expérience sur une durée d’une semaine.
Au Caire, où se concentrent quatre ou cinq lieux emblématiques, comme en Haute-Egypte, cette sélection permettra aux voyageurs non seulement de s’émerveiller mais aussi de profiter pleinement des richesses culturelles offertes... Ainsi organisée, leur visite se transformera en un souvenir mémorable et enrichissant.
Q : Quelle a été l’inspiration à l’origine de votre projet ?
L’idée m’est venue d’une volonté profonde : celle de faire revivre le patrimoine égyptien. C’est mon engagement. L’Égypte est connue de tous, avec ses pyramides et son sphinx... mais elle abrite également une foule d’autres sites historiques qui n’ont rien à envier aux plus grands. Saluée comme le « berceau de la civilisation », elle ouvre ses bras aux voyageurs en quête de découvertes : temples, monuments… dont le temple d’Abou Simbel, joyau inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, ou encore la majestueuse mosquée
Al Azhar. Et pourtant, loin d’être reléguée au second plan, l’Égypte recèle bien plus encore... Cette région déborde littéralement de richesses culturelles. Comme je l’ai souligné dans mon allocution et je pèse mes mots : « L’Égypte est une terre bénie ». Ajoutons à cela, car il ne faut pas oublier que le pays jouit d’un ensoleillement annuel sans faille... Mais ce n’est pas tout : avec ses 5 000 ans d’Histoire, il offre aux curieux des expériences culturelles uniques, sans pareilles !
L’Égypte, terre d’asile pour la Sainte Famille fuyant la persécution d’Hérode, détient une place singulière dans le cœur du peuple égyptien. Les descendants des anciens Égyptiens, gardiens de cette histoire, en conservent précieusement le souvenir au sein de leur mémoire collective. Profondément croyant, notre peuple considère cet accueil de Jésus comme un pan essentiel de son héritage.
L’évocation de la Sainte Famille résonne non seulement comme un legs spirituel mais également culturel. Si l’Égypte antique captive l’imagination universelle par sa grandeur mythique... cette facette intimement liée à la figure christique reste souvent dans l’ombre ; pourtant elle contribue tout autant à l’enrichissement du patrimoine égyptien.
Dans cette optique : attirer les touristes passionnés par la culture s’avère être une priorité. Lorsque ces voyageurs viennent à la rencontre de notre patrimoine, et nous permettent en retour de découvrir le leur, cela crée un pont entre les nations, un échange enrichissant pour tous. Il convient donc de souligner que le tourisme ne se limite pas à être une source vitale pour notre économie et nos réserves en devises; il représente aussi un vecteur privilégié du dialogue interculturel.
Marit Fosse et Fatima Guémiah
Paris, le 23 mai 2024