Patrimoine en péril

7 May 2019

Une demeure bourgeoise de la 1ère partie du XIXème siècle,
« Le Château du lycée Jules Ferry » à Roanne. (Loire)

« Le Château », c’est ainsi que l’on désignait ce bâtiment lorsqu’il faisait encore partie de la Cité Scolaire Jules ferry, 13 Bd Jules Ferry à Roanne 42300. C’est ainsi que son souvenir perdure dans la mémoire des roannais, des anciens élèves et personnels qui lui sont restés très attachés.

Ce dont on se souvient moins bien, c’est qu’il a d’abord été la propriété de la famille CHAVERONDIER qui l’a fait construire entre 1838 et 1841.

Aujourd’hui il reste un témoin majeur du passé industriel de Roanne en tant que vieille demeure où s’est inscrite l’histoire de cette grande famille de filateurs roannais alliée aux Déchelette, Jeanez et autres familles qui ont laissé leurs noms dans la mémoire locale. Il est le seul vestige d’une propriété où une filature avait été installée en 1836. Au XIXème siècle, les roannais ne donnaient son nom officiel au boulevard du Midi, qui longeait la filature de François Chaverondier. Ils lui préféraient le désigner comme l’ avenue Chaverondier. N’est-ce pas là un signe certain de notoriété concernant ces industriels ?

Son dernier propriétaire Barthélémy Francisque Arthur Chaverondier (1824-1880) était connu pour son investissement dans la vie locale et l’intérêt qu’il portait à ses concitoyens. Il possédait une autre demeure, de même facture que celle de Roanne mais de dimensions plus modestes. C’est sur la commune de Chandon, où se trouve cette deuxième résidence qu’il est brutalement décédé à l’âge de 56 ans.

Après la mort de BARTHELEMY ARTHUR CHAVERONDIER, son épouse née Catherine Aglaé MAZERAN vend le clos Chaverondier à la Ville de Roanne en 1883.
Le « château » devient alors la figure emblématique de l’établissement scolaire qui peu à peu se construit : le lycée de Jeunes filles de Roanne. Ce fut l’un des premiers lycées de jeunes filles de France, crée par décret signé de Jules Ferry, alors Président du Conseil et dont il porte le nom.

Les bureaux de l’administration, l’appartement de la directrice, le parloir, la bibliothèque y ont été abrités. Simone Weil, alors professeur de philosophie au lycée Jules Ferry,y a emprunté des ouvrages comme le témoignent ses signatures sur un ancien registre de prêts.

Le bâtiment a traversé les deux guerres mondiales ; des cérémonies officielles ont eu lieu sur son imposant escalier à double révolution. Des cartes postales montrent devant ce dernier, des soldats portant l’uniforme des militaires de la grande guerre. Ils ont été soignés dans l’établissement. On sait que certains souffraient de la grippe espagnole qui a fait tant de victimes à cette époque.

L’intérieur du « château » révèletoujours fidèlement le décor dans lequel évoluaient les Chaverondier. Boiseries, plafonds sculptés, cheminées de marbre, parquets en chêne, grand escalier intérieur permettant d’accéder au premier et deuxième niveau ont été bien conservés. On peut mêmeencore y voir un discret escalier dérobé qui permettaient aux serviteurs de monter les plats depuis la cuisine (au niveau du jardin) jusqu’au premier niveau où se situaient les pièces de vie et de réception. Sous les toits logeaient les domestiques et l’on y voit encore des cheminées à charbon plus modestes, bien entendu, que dans le reste de la maison où les habitants devaient se chauffer au bois. Sur la façade, on aperçoit des médaillons portant les initiales des propriétaires et en particulier de François Marie Chaverondier père de Barthélémy Arthur Francisque.

En 2007, les lycées Jules Ferry et Jean Puy, l’ancien lycée de garçons de Roanne, fusionnent. Jules Ferry est désormais un collège et le château est alors rendu à la Ville de Roanne à laquelle il a toujours appartenu depuis 1883. Il est actuellement exclu du périmètre du nouvel établissement scolaire et il est question de le démolir.
En 2019, il est isolé. Hors périmètre du collège, ll n’est plus entretenu par son propriétaire qui l’a « mis hors gel » ; son avenir est donc menacé à moins qu’on ne lui trouve une autre affectation. Ceci ne semble pas préoccuper la Ville de Roanne qui l’a exclu de son PLU (plan local d’urbanisme).

L’association « Générations Jules Ferry » qui regroupe d’anciens élèves et personnels du lycée Jules ferry, ne peut pas se résoudre à voir disparaitre ce patrimoine porteur de la mémoire industrielle de la ville mais aussi de la mémoire d’un établissement scolaire public ancrée dans l’histoire locale qui elle-même s’inscrit dans l’histoire nationale depuis plus d’un siècle.

Un blog crée par un ancien élève permet d’accéder à des documents originaux et offre des photos de la maison Chaverondier à différentes périodes de son histoire :
http://laucataxe.wix.com/jules-ferry-roanne

S’il n’est pas vendu d’ici quelques mois, si aucune affectation ne lui est trouvée, la Ville de Roanne n’hésitera pas à démolir ce bâtiment. Pourtant de grandes pièces offrent de beaux espaces intérieurs qui pourraient être reconvertis dans des domaines très divers : formation, hôtellerie, lieux d’expositions, de rencontres…

Notre association est reconnaissante envers tous ceux qui peuvent donner de la visibilité à son action en diffusant ces informations le plus largement possible.

Janine Orgéas
Secrétaire de l’association « Générations Jules Ferry »
Email : generationsjulesferryroanne@laposte.net