« Pax Musica », la musique comme langage du multilatéralisme humanitaire

17 December

À l’occasion de la « Journée internationale des migrants 2025 », l’ONG « Pax Musica » organise le 18 décembre, au Palais de la Porte Dorée à Paris, une journée de rencontres et un concert réunissant musiciens réfugiés et artistes du monde. Une initiative culturelle qui s’inscrit pleinement dans les débats contemporains sur le multilatéralisme, la protection des personnes déplacées et le rôle de la culture dans la cohésion internationale.

Dans un contexte mondial marqué par la résurgence des conflits armés, l’augmentation des déplacements forcés et la fragilisation du multilatéralisme, la question migratoire s’impose comme l’un des enjeux majeurs du système international. À Genève, où siègent les Nations unies, l’UNHCR et de nombreuses organisations humanitaires, l’exil est appréhendé non seulement comme une urgence humanitaire, mais aussi comme un défi politique, social et culturel de long terme. C’est à cette intersection que se situe Pax Musica, organisation non gouvernementale française fondée en 2024, qui accompagne des musiciens et musiciennes professionnels réfugiés afin de leur permettre de poursuivre leur carrière artistique en France. Loin d’une approche caritative, le projet repose sur une exigence artistique élevée et sur une conviction claire : la culture constitue un levier essentiel de reconstruction individuelle, de dialogue interculturel et de stabilité sociale.

La musique comme outil de diplomatie humanitaire

Le 18 décembre, date instituée par les Nations unies comme Journée internationale des migrants, Pax Musica proposera une journée de rencontres pédagogiques, de réflexion collective et un concert réunissant des artistes venus d’Ukraine, de Russie, d’Arménie, de Turquie, d’Iran ou encore du Kurdistan. Ces régions, aujourd’hui au cœur de tensions géopolitiques majeures, sont également des foyers culturels dont les expressions artistiques peinent souvent à trouver une place dans les sociétés d’accueil. En réunissant ces musiciens du monde aux côtés d’artistes européens reconnus, Pax Musica revendique une approche de soft power culturel, fondée sur la reconnaissance des talents, la circulation des savoirs et la création partagée. La musique devient ici un langage commun, capable de maintenir le dialogue là où les cadres diplomatiques traditionnels sont mis à l’épreuve.

Le Palais de la Porte Dorée, un choix hautement symbolique

Le choix du Palais de la Porte Dorée-Musée national de l’histoire de l’immigration confère à l’événement une dimension symbolique forte. Construit pour l’Exposition coloniale internationale de 1931, ce lieu incarne les ambiguïtés de l’histoire européenne et française : celles d’un passé impérial aujourd’hui réinterrogé à l’aune des migrations contemporaines.

Devenu un espace dédié à la reconnaissance des parcours migratoires, le Palais s’impose comme un lieu de mémoire en mouvement, où l’exil est reconnu comme un fait structurant de l’histoire mondiale. En y faisant résonner la musique d’artistes réfugiés, Pax Musica transforme ce lieu patrimonial en espace vivant de dialogue interculturel, où l’art prolonge et humanise le récit historique. Pour les observateurs genevois, ce lieu parisien fait écho aux principes défendus par les institutions internationales, reconnaître la migration comme une réalité durable et inscrire la protection des personnes déplacées dans une approche globale incluant la culture, l’éducation et la participation sociale.

Hélène Daccord, une approche culturelle du multilatéralisme

À l’origine de Pax Musica, Hélène Daccord, musicienne et chercheuse en géographie, développe une réflexion de fond sur les liens entre musique, territoire et mémoire collective. Auteure de « Quand la musique fait l’histoire » Editions Passés composés, elle analyse la musique comme un fait géopolitique, capable de structurer des espaces symboliques et de relier des sociétés fragmentées. Son approche rejoint les réflexions menées dans les cercles onusiens sur la culture comme facteur de cohésion, de prévention des conflits et de reconstruction post-crise. Pour elle, l’exil ne se limite pas à un déplacement géographique : il implique une rupture des réseaux professionnels, une perte de reconnaissance institutionnelle et une discontinuité symbolique. Pax Musica a été conçu comme une réponse systémique à cette réalité, associant accompagnement artistique, soutien administratif et inscription dans des réseaux institutionnels européens.

Transmettre les valeurs du multilatéralisme

Au-delà du concert, l’action de Pax Musica repose sur un important travail de transmission. Les rencontres pédagogiques organisées le 18 décembre avec des élèves de primaire, de collège et de lycée participent à une éducation à la citoyenneté mondiale, en donnant un visage et une voix aux parcours d’exil. La table ronde organisée en soirée, consacrée aux liens entre musique, immigration et insertion, réunira artistes, chercheurs et représentants d’institutions internationales, dont l’UNHCR France. Elle prolongera la réflexion sur le rôle de la culture dans les politiques publiques d’accueil et d’intégration.

Une initiative européenne à portée internationale

Soutenue par des partenaires institutionnels et inscrite dans des réseaux européens, Pax Musica s’inscrit dans une dynamique qui trouve à Genève un écho particulier. À l’heure où le multilatéralisme est fragilisé, l’ONG rappelle que la culture demeure un terrain de coopération transnationale, capable de maintenir le dialogue et de renforcer la cohésion là où les tensions politiques s’exacerbent. En réunissant une date internationale, un lieu chargé d’histoire et des artistes venus des lignes de fracture du monde contemporain, Pax Musica propose une réponse culturelle exigeante à l’un des défis majeurs de notre temps : faire société dans un monde en mouvement.

Sur scène, retrouvez les lauréats Pax Musica 2025-2026 aux côtés de leurs mentors des artistes venus d’Ukraine, de Russie, d’Arménie, de Turquie, d’Iran et d’ailleurs interprètent des œuvres classiques et contemporaines, aux côtés de musiciens de renom comme Julie Sevilla-Fraysse, Guillaume Berceau, Artyom Minasyan, Yona Zékri, Dana Ciocarlie, Oussama Mhanna et Anousha Nazari. Ensemble, ils tissent un récit musical émouvant où se mêlent œuvres classiques et contemporaines, récits de parcours et voix de l’exil, dans une soirée qui célèbre la rencontre et la richesse des cultures en mouvement.

Fatima Guemiah

Avec :
• Diana Stognushenko, piano (lauréate)
• Danylo Dovbysh, saxophone (lauréate)
• Oleksandr Dmytriiev, violon (lauréat.e)
• Odetta Imperiale, mezzo-soprano (lauréat.e)
• Deniz Kyrdzhy , chef de chœur (lauréat.e)
• Güler Yildiz, chant kurde (lauréat.e)
• Kariné Arsenyan, qanûn (lauréat.e)
• Dana Ciocarlie, piano (mentor)
• Julie Sevilla-Fraysse, violoncelle (mentor)
• Guillaume Berceau, saxophone (mentor)
• Yona Zékri, alto (mentor)
• Artyom Minasyan, duduk (mentor)
• Anousha Nazarin mezzo-soprano (partenaire)
• Samuel Bach, piano (partenaire)
• Jean-François Capparoy, tanbur (partenaire)
• Chœur Varenne, ensemble vocal (partenaire)
Ainsi que les bénévoles de l’association, sous la coordination de Jeanne Gascon, luthière professionnelle.