Préface du récent ouvrage de Maître Pandelon, rédigée par Philippe Bilger, ancien magistrat et président de l’Institut de la parole.

13 January

Gérald Pandelon, je l’ai appris, est un avocat qui a une très bonne réputation professionnelle. Il est également l’auteur de plusieurs livres qui ont révélé une conception pointue du droit ainsi qu’un tempérament qui, pour le fond et la forme, est éloigné de toute tiédeur.

Pourtant, quand on m’a proposé d’écrire une préface pour cet ouvrage : Inquisition française, j’ai hésité.

D’abord parce que magistrat honoraire je n’étais pas immédiatement enthousiaste à cette idée dans la mesure où, ayant apprécié quelques grands avocats (tous disparus quasiment) au détail, je n’éprouvais aucune dilection véritable pour le barreau en général.

Ensuite je craignais d’être confronté à des banalités même noblement exprimées qui n’auraient eu pour finalité que de démontrer l’excellence de l’auteur et celle de la profession dont il relevait.
Enfin je n’avais jamais eu l’occasion de croiser Me Gérald Pandelon durant mon activité judiciaire et si cela m’épargnait le risque du moindre préjugé, ce n’était tout de même pas commode pour l’écriture d’une préface.
On m’a rappelé qu’à la suite d’un malaise à l’issue d’un colloque d’avocats à Marseille il y a des années, Me Pandelon s’était penché sur moi avec quelques confrères. Le souvenir de cette sollicitude n’était pas suffisant à lui seul pour emporter mon acceptation !

Puis j’ai lu le livre.

J’ai aimé la forme et apprécié le ton. Un style vif, percutant, polémique, parvenant, même sur des sujets austères et des narrations complexes, à chasser tout ennui. Pour un auteur traitant de la Justice et de thèmes qui pour le moins ne sont pas allègres, c’est une grâce d’avoir un tel talent.

Au-delà de l’expression, j’ai goûté le climat général du livre, sa texture intellectuelle et psychologique. Me Pandelon, à l’évidence, n’a pas une personnalité que les provocations, le refus des conformismes pourraient effrayer mais il échappe cependant à ce qu’il y a parfois de déplaisant dans les analyses qui n’ont pour visée que de blesser, d’offenser.

Dans son livre règne une sorte d’urbanité d’autant plus remarquable que des pratiques judiciaires sont dénoncées, des poncifs mis à bas, des procédures ayant défrayé la chronique, revisitées avec pugnacité. L’auteur n’a pas eu besoin, pour fustiger quelques magistrats, d’être grossier et insultant à l’égard de l’ensemble de la magistrature.

Sur le fond, l’honneur qui m’a été fait avec cette préface n’imposait pas que je fusse accordé avec toutes les idées novatrices ou non surgies de la tête de cet écrivain juriste.

Pour l’essentiel cependant, je n’ai pu qu’être sensible à des dénonciations, des interrogations, des fulgurances, des intuitions qui avaient pour points communs, chez l’auteur, la liberté de l’esprit, la profondeur de l’intelligence et l’originalité de la vision. Comment aurais-je pu demeurer indifférent à la justice peut-être détruite par les juges, à la dangereuse omnipotence des magistrats et au risque démocratique qui en résulte, au rôle dévastateur d’un Syndicat de la magistrature explicitement et fièrement politisé, à ces cours juridictionnelles européennes et nationales s’érigeant, sans le moindre mandat électif, au-dessus des peuples, à la nécessité de repenser la responsabilité des magistrats, à la critique du ressassement absurde de l’état de droit et du salmigondis des droits de l’homme ?

Ce serait se méprendre que d’imaginer ce livre comme tout d’une pièce. Ce qui est sa qualité fondamentale est en effet sa richesse contrastée. Conservateur, voire réactionnaire, Gérald Pandelon ? oui mais pas seulement, pas toujours ! Audacieux, progressiste ? par intermittences. Singulier ? toujours. A lire ? absolument.
Cette préface, un cadeau qu’on m’a offert.
Le 7 janvier 2025

Philippe Bilger
Magistrat honoraire- président de l’Institut de la parole