SUR LA ROUTE DU CINEMA par Dan Albertini dan.albertini@reseauhem.ca La malédiction des pères déchus. 6ième et avant dernière fiction sur la politique haïtienne et le cinéma. Une production 2 Contes PRODUCTION.

21 May 2012

Avez-vous vu La malédiction de Belphégor, un film réalisé par Georges Combret et Jean Maley, sorti en 1967 ? Le film a été entièrement tourné à Toulon et dans sa région, devant et à l’intérieur de l’Opéra. Une époque. Les vierges de Satan ont suivi en 1968, La Malédiction (Damien) en 1976. Ça dit tout sur le décor mais Belphégor était plutôt un film fantastique. Les temps ont changé, la plume est d’un autre verbe. Comme si l’on entendait les paroles de Steve Earle : << je ne quitterai pas ce monde en vie >>, publié chez L’ECAILLER. Cependant, nous sommes chez ceux qui racontent une autre histoire. Elle est réelle, La malédiction des pères déchus. Les étoiles brillent pour tomber. Sauf deux, elles étaient blêmes, elles s’y sont refusées, ont renié l’intelligence par vœux à d’autres luminaires. Mirlande est élue sénatrice, s’y est refusée, Yvon est élu sénateur, il s’en est défait. Leurs étoiles ne brillent pas, la vieillesse est sans appel. Les autres ont brillé de tous leurs feux, de Laurent à Michel, c’est la chute des étoiles dans le désert. L’excès en tout, nuit. C’est l’histoire de la politique haïtienne et de son cinéma. La mise en scène de l’avenir se refuse, c’est viscéral. Pas de production !

Belphégor. L’Opéra de Toulon est hanté par un mystérieux fantôme masqué, des meurtres vont y être commis. D’où le commissaire Legris (Raymond Souplex), M Plumme le concierge de l’opéra (Raymond Bussières), Mme Plumme la femme du concierge (Annette Poivre), etc. Un drame est-il au menu ? Oui, pour les besoins de la cause, mais c’est du fantastique et des noms d’un passé. Le mot part et revient à qui mieux mieux, c’est au tour de. La malédiction, tourne autour des pères déchus. Le film commence par un battement d’ailes qui s’étendent sur tout l’écran. On dirait celles d’un ange déchu. L’image est à la vitesse de 100 par seconde. Elles s’arrêtent sur celle d’un prêtre, on croit à une église mais l’image se transforme en celle d’un palais. Quelqu’un signe. Le concordat est ouvert.
Le film est un échec. Il ne décale pas les rôles et ne les cadre dans leur contexte. D’abord, l’introduction de l’ancien président Gbagbo n’a pas sa place si ce n’est un besoin tendancieux et non avoué de descendre un personnage à partir d’une appartenance. Il n’est d’ailleurs le père car il aurait eu plus que la vieille Simone dans sa culture, ni pair, étant hors contexte dans la chute des étoiles qui est de toute évidence insulaire. L’histoire est haïtienne. L’auteur a donc été cherché Gbagbo pour descendre sciemment les autres, sur une base de préjugés cachés derrière une suggestion mystique.

Premier tableau. Le père Jean-Juste disait prier, il a fini par jurer. Le père Aristide voulait chanter, il a fini par crier. Ils étaient d’un sacerdoce, ils ont investi un autre. Les processions charismatiques ont changé pour un verbe politique violent. Dieu et la mort se sont rencontrés une autre fois, non sur le calvaire mais la clameur publique a expliqué le sacrifice d’un nouveau né dans un pilon. Les mystères de la foi imposent la croyance - Isaac. Mais celle-ci est difficile à avaler. Dieu s’est retiré de crainte de se voir sacrifier sans rédemption. L’un serait responsable par les actes, l’autre par le silence. Le père est un parjure, l’autre doublement père, les deux font la paire. Les étoiles de ceux qui ont pensé la névrose vétérotestamentaire se sont éteintes. Le drame est psychologique, on parle de perte, sans option de deuil. La prêtrise est sclérosée. Elle l’était déjà par des scandales de pédophilie à travers le monde. Elle l’est aussi par des défroqués qui se cherchent d’autres béatitudes dans un monde temporel. En regardant cette séquence du film, on connaît déjà la suite des autres tableaux. Fatale. On se demande si le destin ne serait déjà condamné bien avant. Le film rend hébété.

Un deuxième tableau. On voit l’avenue Jean-Claude qui faisait partie des acquis d’un système qui réduisait la vie. Elle a changé de nom, elle ne s’appelle pas par le nom du principe du ténor. Un père est déchu tandis que l’autre regarde les effets de la déchéance. Celui-ci tente de restaurer celui-là par son fils. Pourra-t-il s’épargner lui-même ? L’auteur ramène la notion du doute dans l’intemporel. La tendance, une route près d’une plage dans le Sud du pays. Les deux pères sont présidents et le second réclame le crédit de Gelée. Plus d’image, cela engagerait trop l’auteur. S’est-il mélangé ?

Nous sommes toujours dans les pères, mais ils sont pairs cette fois-ci dans le sens de marassa (jumeaux). Les apparences trompent souvent mais, la paire n’existe plus. Ils se sont interdits, sans possibilité de récupération, d’une part et d’autre part. La déchéance est totale, les déçus les condamnent, c’est la division profonde. Y a-t-il un névrosé et un sclérosé ? La réponse appartiendrait à l’auteur de l’ouvrage de 1994. Il ne peut plus s’exprimer, les étoiles sont tombées du ciel pour s’affaisser avec fracas. L’un a introduit les étrangers, l’autre les a renouvelés, contre leurs pairs.

Il resterait l’autre pair. Les abstentionnistes complices. Il y a toujours un prix à payer quand on ne vote pas, ce sont les autres qui exercent pour vous. Mais voilà, la vérité revient à l’improviste. C’est l’histoire. Les crédits ne sont pas au rendez-vous. Les maîtres à penser sont tombés, entraînant les errés. Le film finit triste, on dirait une suite de nouvelles. Démoralisant, peu d’intérêt.

Il y a deux semaines de cela, je parlais du passé à Jean-Gardy Bien-Aimé. J’ai constaté l’absence des images, la mémoire s’est altérée depuis 1986. Non pas par le poids des ans, mais par l’intensité des évènements qui nous ont conduits sur d’autres rives. Une image qui n’a pourtant pas pris le chemin de l’anti mémoire, c’était une rencontre au collège Catts Pressoir de Tines Vaval. Un samedi. Nous devions répéter pour sa première pièce. L’heure haïtienne a fait défaut, j’étais sur la montre suisse, contrairement à mes habitudes, les autres n’étaient pas à l’heure. Une femme m’attendait dans un autre pays plus au Nord, depuis, les étoiles n’ont cessé de chuter. Pas les nôtres, je n’en avais pas. Lui peut-être, mais la sienne semble être en route pour briller, non pas en politique mais dans le cinéma. Une amie africaine en Suisse, Marina, l’appelle d’ailleurs << son chéri >>, vous connaissez l’accent. Elle chante les vertus du cinéma haïtien et n’achète que des originaux pour les recommander à ses amis de tous les pays d’Afrique. S’il y a eu des pères et des pairs déchus, il y a toujours eu, une caméra pour filmer la chute des étoiles. Jean-Gardy a fait du chemin, il veut récupérer une mémoire.

La fin du film n’est pas justifiée car il reste une étoile là-haut. Nous ne lui souhaitons pas cette malédiction politique, mais elle ferait mieux de céder sa loge à Gbagbo pour l’autre pair.
Merci d’y croire !