« L’arbitrage est quand même dans l’air du temps. On est dans un monde tellement dangereux et conflictuel que les gens ont besoin de plus de sécurité. Quelque part, il vaut mieux négocier, discuter que de se taper dessus. » Interview de Maître Gérald Pandelon, un avocat international brillant aux multiples talents.

19 December

Vous avez peut-être vu son visage à la télévision, car Maître Gérald Pandelon est fréquemment invité à s’exprimer sur diverses chaînes de télévision surtout en France mais aussi ailleurs dans le monde. Il n’est pas seulement réputé être l’un des meilleurs avocats de France, mais il est également reconnu comme expert en droit public, commercial et pénal. De plus, il est l’un des quatre avocats français accrédités auprès de la Cour internationale de justice à la Haye. Quand son nom est cité, c’est avec de l’admiration et des louanges pour avoir remporté des affaires considérées comme perdues d’avance par ses confrères. Certains l’appellent même le Robin des Bois des avocats.

Il a soutenu deux thèses, enseigné dans des universités prestigieuses, et écrit plusieurs livres et des centaines d’articles. On se demande comment il trouve le temps de faire tout cela. Permettons-nous également de rappeler brièvement qu’il a été choisi parmi les quelque 68 000 avocats de France pour écrire sur la profession d’avocat en France pour les Éditions Que sais-je? Polyglotte, il parle couramment l’arabe, le français, l’espagnol, l’anglais et le portugais. Autrement dit, c’est vers Maître Pandelon que l’on se tourne quand on a des soucis d’ordre juridique.

Lors d’un récent voyage à Paris, nous avons eu le privilège de le rencontrer Maître Pandelon, qui venait de publier un nouveau livre sur la justice en France. Nous étions curieuses d’apprendre un peu plus sur ce maestro du barreaux. Connaissant sa réputation, nous nous attendions à rencontrer un homme plutôt réservé, mais la réalité s’est avérée tout le contraire. Nous avons fait la découverte d’un homme modeste, extrêmement travailleur et sympathique qui a trouvé le temps pour répondre à toutes nos questions. Maintenant la parole est à vous, Maître Pandelon.

Q: Pourriez-vous nous parler un peu de vous?

Je suis né en France de parents chrétien, mais quand j’avais un an, mon père a été nommé professeur d’université en Tunisie. J’ai grandi donc dans la double culture, française-tunisienne, jusqu’à l’âge de 12 ans. Je parle donc arabe.

Mon père était un socialiste BCBG, et il fallait que les enfants apprennent toujours à être plus royalistes que le roi. J’ai fait de l’instruction coranique, qui m’a énormément ouvert l’esprit. J’ai connu la Tunisie, qui était un paradis. J’ai vécu à Sfax, deuxième ville du pays. Les juifs, les chrétiens, les musulmans, les siciliens, tout le monde c’était une même famille. J’ai en fait découvert les tensions ethniques quand je suis revenu en France, et j’en étais choqué.

Mon père devient ensuite diplomate, nommé directeur général de l’Alliance française à Buenos Aires. On arrive pour le Mondial 78 – pour ceux qui aiment le football – et sous le régime dictatorial de Videla. J’y reste presque 4 ans. Ensuite, mon père est nommé à un poste encore plus élevé au Brésil où je ne vais rester qu’un an et demi. Quand je rentre en France, j’ai presque 16 ans.

J’ai vécu, à la petite cinquantaine, sous deux régimes totalitaires, en Argentine et au Brésil. Ça ouvre l’esprit, parce qu’on est guidé, on est mû, plus par l’inconscient que par le conscient.

Q: Je me demande, quand quelqu’un vient frapper à votre porte et sollicite votre assistance, comment pouvez-vous savoir que la personne en face de vous dit la vérité?

Excellente question. D’abord, on vient me voir parce que, bien que j’aie sans doute des défauts, j’ai deux qualités. C’est que j’ai été avocat avant d’être avocat, comme on dit en Corse, a zita e a muta. Ça veut dire: j’entends rien, je vois rien, je ne dis rien. Bref, je suis un homme très discret. Et deuxièmement, on considère en France que je suis un avocat très combatif. Un pitbull. Donc, le secret plus la combativité, c’est attirant.

Puis, j’ai eu la chance de gagner beaucoup de procès très très difficiles. Les grands avocats qui sont partis à la retraite aujourd’hui se sont cassé les dents. Ils n’ont pas réussi, bien que ça ait coûté des centaines de milliers d’euros en honoraires. Il s’avère que j’ai eu une dizaine d’affaires très médiatiques, qui étaient plutôt politico-financières qui ont défrayé la chronique.

Tout le monde m’a entendu parler, je ne peux pas parler en secret car c’est sur les réseaux. J’ai gagné là où les autres confrères avaient perdu. Donc, ça a construit quand même une petite réputation d’avocat fonceur. À telle enseigne qu’il y avait une journaliste qui avait fait un ouvrage me concernant, elle m’avait appelé le Robin des Bois, Pourquoi? Parce que je suis très gentil avec les pauvres, très dur avec les riches.

Alors, cela n’est pas du tout de l’orgueil de ma part, parce que si vous me connaissiez, je suis un type – malgré mon parcours – qui est très simple, un ancien sportif. Pourquoi les personnes me disent-elles la vérité? Si, le jour du procès, je découvre que vous m’avez menti, je me lève, je m’en vais. Bien évidemment, ce n’est pas parce que vous me dites la vérité que je vais la révéler au tribunal, mais ça me permet de partir dans un raisonnement qui tient la route, même si le procureur croit que je raconte des bêtises.

Q : Vous avez été choisi par 60 000 avocats parmi les meilleurs de France pour écrire Que sais-je? sur le métier d’avocat. Pourriez-vous nous en parler?

J’ai été particulièrement flatté lorsque l’on m’a confié la rédaction de la Bible du métier d’avocat en France. À l’époque, notre profession comprenait près de 68 000 avocats, et je n’avais rien fait de particulier. Ce sont des confrères, des bâtonniers, des avocats plus connus que moi à l’époque qui m’ont dit : «C’est toi qui devrais faire ça.» Pourquoi? «Parce que tu as à la fois une formation universitaire, un double doctorat, ce qui est assez rare, tu as enseigné le droit, même à des avocats et à des futurs magistrats, tu as publié beaucoup d’essais, d’articles, de journaux, de livres sur la justice en général, la justice pénale et pénale internationale en particulier», et j’en passe.

Je me suis donc attelé à cette tâche qui a duré environ deux ans. Il fallait répertorier, dans 107 pages exactement, l’ensemble des codes, des règles etc. qui régissent notre profession. J’ai donc écrit un livre qui fait que – heureusement ou malheureusement – la plupart des avocats de France savent qui je suis, ne serait-ce que parce qu’ils conseillent ce bouquin à leurs enfants lorsqu’ils font des études de droit, ou s’en servent eux-mêmes lorsqu’ils veulent avoir une vision plus synthétique de leur profession, alors qu’ils sont bien souvent spécialisés dans leur matière.

Q: Je me demande comment vous avez le temps de tout faire. Pourriez-vous partager avec nous votre secret?

J’ai une méthode que j’ai apprise à Science Po [Sciences Politique de Paris] où j’étais tombé sur un professeur qui était très pédagogue. Il m’a dit, «On a tous des compétences, on a tous des talents, mais ce qui compte, c’est la régularité.»

Si vous devenez professeur ou avocat, il ne faut pas pencher en profondeur sur un dossier puis l’oublier pendant six mois. Il vaut mieux travailler tous les dossiers dix minutes par jour, mais vous le faites tous les jours. C’est ainsi grâce à cette méthode, que j’ai acquise avant l’âge de vingt ans et que j’ai gardée pendant une trentaine d’années, que j’ai pu exercer une profession qui me permet d’enseigner de temps en temps, d’écrire des livres etc., tout en travaillant quatorze heures par jour.

Je peux vous assurer que c’est moi qui ai écrit tous mes livres et rédigé et soutenu toutes mes thèses, car j’ai mené de pair une profession d’avocat, de professeur et d’essayiste.

Q: Essayiste aussi?

Au fait, je publie régulièrement des articles sur l’évolution de la justice pénale en France. En décembre, j’ai fait paraître un ouvrage sur l’évolution de notre justice pénale à travers le prisme, en quelque sorte, du Syndicat de la magistrature. J’analyse: comment un syndicat ultra minoritaire peut-il aujourd’hui avoir tous les pouvoirs en France, alors que l’immense majorité des magistrats qui ne sont pas membres de ce syndicat ne sont jamais entendus?

En France, donc, on a donné 90 % des pouvoirs à 10 % de magistrats. Aujourd’hui, c’est ce syndicat qui veut faire en sorte que Marine Le Pen ne soit plus présidente de la République. Ce sujet est largement débattu à la télévision. C’est ce syndicat qui a voulu, il y a quelques années, évincé Sarkozy, Fillon et Bayrou de toute leur carrière politique.

J’ai écrit un livre sur ce point, en disant qu’on était passés de ce que Alexis de Tocqueville, philosophe politique au XIXème, avait appelé la tyrannie de la majorité à ce que j’appelle la tyrannie de la minorité. Je pense qu’il faut réajuster les propos de Tocqueville car aujourd’hui ce sont les minorités qui parlent et imposent leurs décisions au nom de la majorité. À mon très modeste niveau, ça me choque.

Pour moi, la démocratie, c’est la souveraineté, c’est la majorité. Ce n’est pas la minorité qui doit imposer ses lois et coutumes, par exemple la théorie du genre. Tout le monde parle de LGBT. Qu’on l’accepte ou le déplore, on est femme, on est homme, mais pourquoi dire, alors que c’est une évidence biologique, que le genre relèverait davantage de conditions sociales, psychologiques, politiques ou économiques que de la biologie? La biologie, l’hérédité, ce n’est pas un gros mot. Pour les femmes, pour les hommes, après, chacun choisit son orientation sexuelle etc. Mais nier cette évidence, ça me choque.

Q: Mais ça doit être quand même assez difficile d’en parler. Si vous parlez de sujets pareils vous risquez de susciter l’hostilité des gens et d’avoir des problèmes, n’est-ce pas?

Vous posez une excellente question, et je vais vous dire, vous savez, que l’être humain est très complexe. D’abord, un avocat c’est également un citoyen. C’est-à-dire qu’on a le droit d’avoir une pensée qui ne soit pas uniquement articulée au métier. Il faut faire attention parce qu’on peut travailler avec la gauche, la droite, le vert, le bleu, ceux qui sont homosexuels, ceux qui ne le sont pas, les minorités, la majorité etc. Ça, c’est la première chose.

L’avocat n’est pas marqué dans ses statuts comme magistrat, il n’a par conséquent pas de devoir de réserve. L’aspect le plus intéressant est que, alors que j’ai fait part à plusieurs reprises, à la radio ou à la télévision, de mes idées, qui sont d’ailleurs partagées par 70 % des Français, cela a paradoxalement attiré vers moi tous les homosexuels de Paris.

Q: Ah bon?

Parce qu’ils se sont dit, «Au moins lui, il n’est pas hypocrite.» J’ai tous les représentants LGBT de Paris dans le bureau, je leur demande s’ils ne sont pas un peu gênés par mes propos, mais ils me disent qu’au contraire. Ils ne sont pas d’accord, mais au moins, ils me disent que je suis courageux et pas hypocrite. «C’est vous qu’on veut comme avocat, ce n’est pas le voisin qui nous brosse, qui va toujours dans le sens de ce qu’il faut dire, ce qu’il ne faut pas dire. Eh bien écoutez, voilà, en plus, vous parlez bien sur les plateaux, c’est toujours clair à peu près ce que vous racontez. Acceptez notre dossier.» Si on est d’accord sur la chose et le prix, on va au bout du monde, que tu sois LGBT ou pas. Le rôle d’un avocat c’est de défendre, ce l’est encore souvent, et je les défends.

Q: Un avocat voit souvent le côté sombre de la société, la société cachée. Comment vous vivez ça?

Ce qui est extraordinaire c’est que c’est dans notre métier qu’on peut mesurer le plus facilement l’extraordinaire hypocrisie du genre humain. Pourquoi? Parce que j’ai la chance de défendre des gens qu’on voit souvent à la télévision. Ils me disent diamétralement le contraire de ce qu’ils disent à la télé. À tel point que moi, j’ai défendu des gens politiquement plutôt situés à gauche, au centre, et à droite. Ce que l’on dit de ces personnes-là est le contraire de la réalité.

On dit souvent que les gens de gauche, politiquement, sont ouverts d’esprit. Je n’ai jamais vu autant de racistes que parmi eux. On dit que ceux qui sont d’extrême-droit n’aiment pas les étrangers. Je n’ai jamais vu autant de personnes humaines, cultivées, intelligentes, qui n’ont pas une once de racisme. Ils disent tout simplement qu’avec l’Union européenne et la supranationalité, on a des problèmes de souveraineté.

Donc, médiatiquement, l’image qui est donnée d’un certain nombre de personnes et ce que je lis dans mes dossiers, ce que j’entends, ce sont deux choses différentes. C’est à l’avocat qu’on dit la vérité, pas sur les plateaux de télévision.

Moi, on m’avait plutôt élevé dans une famille plutôt de gauche, on m’avait dit attention, aujourd’hui je m’aperçois que les qualités présumées de ces personnes de gauche sont d’extrêmes défauts aujourd’hui, et les diables sont des gens tout à fait respectables. Donc, je sais plus quoi penser, parce qu’il y a un décalage entre ce qu’on m’explique à la télé et la réalité.

Q: Comment vivez-vous ces émotions?

J’ai le calme des vieilles troupes militaires. C’est-à-dire qu’en tant qu’homme, quand je rentre à la maison, bien sûr, je suis tenu au secret professionnel. Je ne dis rien à mes enfants, mais je me dis quand même qu’ils sont gonflés, ce n’est pas possible.

En tant qu’avocat, j’écoute, je travaille, comme un médecin. On ne pose d’ailleurs pas la question car on n’opère pas que des premiers prix de violon ou de piano, on opère ou on travaille en fonction des dossiers qui nous sont donnés.

Q: Que pouvez-vous proposer aux lecteurs de DIVA?

La dimension internationale de mon cabinet – on fait beaucoup d’arbitrage, le droit des affaires ou le droit commercial international.

Par exemple, il y a une entreprise qatarie, libanaise et un groupe suisse et un groupe, que sais-je, parisien ou espagnol. Si on est désigné par une des deux sociétés et que les deux sociétés sont d’accord, c’est le principe de l’arbitrage, on peut créer le tribunal arbitral. L’avocat, mon confrère, côté entreprise Qatari et moi, avocat, côté entreprise parisienne, nous désignons les arbitres à partir du moment où les deux grands groupes sont d’accord. On désigne les arbitres, trois maximum si c’est un arbitrage interne, mais dans l’exemple que je prends, arbitrage international, c’est quasiment illimité, on peut en prendre vingt, trente, aucune difficulté. C’est très important parce que notre cabinet sait faire ça. Et il n’y a pas que du pénal international, il y a aussi et surtout des affaires internationales. C’est le premier point.

Là où je peux être attractif aussi, c’est pour les personnes qui veulent acheter des biens en France. Parce qu’on a une ingénierie qu’on sait faire pour qu’elle ne paye pas beaucoup d’impôts. Donc, elles peuvent faire l’acquisition en France parce que mon cabinet est agréé pour simplifier comme un agent immobilier. J’ai la carte mandataire en transaction immobilière.

Et enfin, on en a un petit peu parlé, tous les dossiers internationaux puisque j’ai créé avec un ami également un petit groupe où je suis actionnaire, un petit groupe où on emmène des investisseurs français en Afrique et on fait rencontrer des gros investisseurs, souvent milliardaires africains, c’est nous qui organisons des entretiens avec des décideurs publics et privés ici en France.

Quatrième élément, la Cour Pénale Internationale qui est une clé, une carte de visite extraordinaire. C’est-à-dire que même le très connu Dupont-Moretti a été refusé, je crois, auprès de la CPI. Moi, j’ai eu la chance d’être offert immédiatement à la CPI, ce qui me donne une carte de visite. C’est extraordinaire parce que même si on ne vais pas plaider à la haine tous les jours, le simple fait qu’on soit agréé auprès de la Cour Pénale Internationale, le monde entier peut vous désigner, peut-être pas pour du pénal mais pour des affaires parce qu’ils savent qu’on a l’agrément. Il y a beaucoup d’avocats français dans le monde entier, et moi je suis avocat international mais ils ne sont pas rattachés à une cour.

En résumé, c’est pour des affaires internationales, du mobilier, l’arbitrage et pour des affaires internationales avec une dimension pénale, des affaires politico-financières et des affaires internationales, les ambassadeurs, les hommes d’affaires, les journalistes qui sont mis en cause, parfois aussi.

Q: Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de refuser des dossiers?

Oui, j’ai toujours refusé les affaires de viol et surtout les affaires de viol contre les enfants. J’ai même eu une personne qui a malheureusement très négativement effrayé la chronique en France. Il y a eu même des incidences en Belgique, qui m’ont proposé un million d’euros. Sur 10 ans de procédure, c’est à peu près entre 50 000 et 100 000 euros par an, et j’ai refusé. Il avait violé des enfants, puis assassiné. Il voulait à tout prix que ce soit moi qui m’en occupe parce qu’il disait que c’est la vedette du barreau.

Si je peux m’en rajouter un, ç’a été contrairement à 99,9% des avocats qui font des belles affaires internationales pénales. Pour ma part, pour une catégorie très limitée de personnes, je ne crois pas à une possible réinsertion. En cela, je suis un avocat atypique.

Q: Dans quel sens?

Atypique parce que, vous savez, quand vous défendez des personnes qui ont 40 condamnations a leur casier judiciaire, vous vous retrouvez devant un juge de l’application des peines, le discours de tous les avocats est souvent le suivant: il a une femme, il a un travail, donc il peut s’en sortir. Au fait, s’il peut s’en sortir, c’est lié au niveau de testostérone. Plus celle-ci baisse, plus il est ré-insérable, mais si elle est trop haute, il n’est plus réinsérable.

C’est une analyse biologique à la judiciaire. Il faut que mes confrères arrêtent de raconter des bêtises. Il y en a 1 sur 100 qui va se réinsérer. Et nous, on se bat pour ce 1%. Mais pour le reste, on fait notre métier.

Q: Mais qu’est-ce qu’on peut faire avec les 99% qu’ils ont fait ?

La récidive, c’est 80%. Mais qu’est-ce qu’on peut faire pour ça? Vous savez, lorsque vous avez 22, 23 ans, vous êtes un enfant. Enfin, un jeune homme. Enfin, vous n’êtes pas très vieux, mais si vous avez déjà 17 condamnations à votre casier, c’est énorme.

Vous pensez que ce type qui a 22 ans, qui a 1000 euros par jour en faisant le narco trafic, qui n’a pas de qualifications, il va aller être vendeur pour 1000 euros par mois là où il va falloir respecter des horaires etc.? Ils gagnent 1000 euros net par jour, 30 000 euros net par mois en liquide. Moi, je connais des jeunes de 25 ans qui sont mes clients, qui gagnent 10 000 euros net par jour, toute l’année.

C’est la TVA. Quand ils se font arrêter, c’est la TVA. C’est la taxe sur la valeur ajoutée ou non-ajoutée. Ça veut dire que ça fait partie du risque. C’est ce que j’appelle la TVA.

Q: Il faudra peut-être changer la loi.

La loi en France est déjà très dure parce que, contrairement à tout ce qu’on dit à la télé, la justice pénale en France n’est pas laxiste mais très sévère. Seulement, les magistrats n’appliquent pas les textes à la hauteur de ce permettent ceux-ci.

Pourquoi ne sont-ils pas appliqués? Parce que les juges considèrent que c’est que sa mère n’était pas là, son père était violent. Donc, quelque part, c’est la figure de la victime, la figure du rebelle au travers du délinquant.

Q: Dans ce cas-là, c’est très lucratif de vendre de la drogue en France?

C’est très lucratif. 4 milliards de chiffre d’affaires par an sur le cannabis. C’est la première PME française, Le premier plutôt grand groupe français, c’est le cannabis. La première étape, c’est récupérer l’argenr. La seconde étape, c’est le blanchiment.

On va acheter tous les bars chichas, par exemple, du 8ème, du 7ème, du 16ème, tous les bars à chichas. Ils vont donner 400 000, 500 000 euros en argent liquide à la personne qui est vendeuse et à l’avocat.

Q: Ça existe?

Oui, tous les jours il y a des transactions pareilles. Au fait, on va dire dans l’acte de propriété qu’ils ont cédé le bar à un euro symbolique parce que le chicha bar avait des dettes. Le bar n’a jamais de dettes mais cela permet de justifier que le passif exigible est supérieur à l’actif. Donc la société ne pourrait pas être liquidée, comme on l’appelle in bonis.

Q: C’est dangereux ce que vous dites là, parce que vous nous donnez des idées…

Vous êtes très maligne. En fait, ce que je vous dis, je me permets de le dire directement, parce que c’est le secret de polichinelle. 100% des avocats, et même pas que pénalistes, parce que là c’est la rédaction de sessions de fonds de commerce, des sessions de droite au bal, en l’occurrence, tous les avocats commercialistes le savent. Et il n’est pas impossible que l’avocat ne perçoive pas une partie du butin. Ça crée beaucoup de problèmes dans la société actuelle. Justement, les gens qui sont accros au cannabis, après c’est la cocaïne, c’est le chute en enfer quelque part pour la société.

5 millions en France de consommateurs au quotidien de cannabis. 600 000 consommateurs au quotidien de cocaïne. 150 000 consommateurs au quotidien de drogues de synthèse, LSD, crack, héroïne etc. Le marché de la drogue c’est 4 milliards, c’est-à-dire que c’est la plus grosse PME. Encore une fois, je vous l’indique, c’est le cannabis. Deuxième élément, parce que j’ai fait un livre sur ce sujet, La France des caïds, sur le narco-banditisme, qui est paru au mois de juin 2020, édition Max Milo.

J’ai démontré qu’il était impossible que ce type de trafic prospère sans, heureusement pour les voyous, et malheureusement pour la société, la publicité des élus. Pas tous, il y a 36 700 communes en France, mais 10 ou 20, c’est déjà grave, ce qui nécessairement fonctionne en système du don-contre-don, pour avoir uniquement la paix sociale.

Q: Ils font cela uniquement la paix sociale?

Oui, comme ça, si les trafics se passent dans les cités, ils ne viennent pas dans les centres villes, ils n’arrachent pas les sacs des personnes, il n’y a pas les vols à l’étalage, les vols avec effraction, donc il y a même une géographie spatiale de la délinquance, il y a une hiérarchie spatiale de la délinquance, ça se passe dans les cités, ça se passe en haut.

Q: Venez de sortir un nouveau livre consacré à la justice. Quelle est votre motivation, et pourquoi avez-vous toujours cette envie d’écrire?

J’écris parce que je déteste l’injustice. Tous mes livres ont une ligne directrice, quels que soient les sujets que j’aborde, mais je déteste l’injustice. Je suis né dans une famille plutôt protégée, père diplomate, mère professeure de physique. Et du jour au lendemain, ma mère est tombée malade, gravement. On habitait au Brésil. Elle a dû être rapatriée en France pour être soignée. Et mon père, corps diplomatique, donc absent, je me suis retrouvé quasiment seul à 14-15 ans, à l’étranger, placé dans un foyer d’accueil.

J’ai vu que les gens qui nous léchaient les bottes, parce que mon père avait le grade d’ ambassadeur, soudain nous traitaient comme des chiens. Pourquoi ? Parce qu’on avait tout, et à leurs yeux, j’étais un gosse placé dans une famille d’accueil, presque abandonné d’une certaine manière, et du coup je n’étais rien. Ils méprisaient ceux qui n’avaient plus rien, qu’ils adoraient six mois avant. J’ai vu à quel point les gens étaient superficiels. J’ai vu à quel point le paraître l’emportait largement sur l’être. J’ai vu l’hypocrisie du système à 15 ans. Lorsque je suis rentré en France à 16 ans, j’avais envie de faire deux choses, défendre les gens et faire de la politique.

J’ai commencé par le droit et Sciences Po. Tout s’explique en fait. Tout s’imbrique entre droit et Sciences Po. Après, je voyais les politiciens qui disaient le contraire la veille de ce qu’ils disaient le lendemain. Je n’avais pas envie de revivre ce que j’ai vécu à 15 ans, en rentrant à l’ENA, faire de la politique, comme tous ces incapables. Parce que si on fait de la politique, c’est qu’on a échoué dans son propre métier. Il ne reste plus que la politique. J’ai donc décidé de devenir avocat.

J’aime bien faire de petits détours parce que ce sont des détours qui expliquent l’essentiel. Mon dernier bouquin qui va sortir au mois de décembre, que bien évidemment je vais vous offrir, avec une petite dédicace.

Le titre du livre, c’est un tout petit peu ce que j’ai toujours ressenti dans une grande partie de ma vie. Ado, puis avocat. Inquisition française. Avec un bandeau ou un sous-titre dessous, des juges, pas tous les juges, des juges contre la justice point d’interrogation.

Au-delà des injustices, je suis très attiré par la question de la vérité. On insiste toujours sur la justice, mais c’est d’abord la vérité, la justice en est la conséquence. C’est parce qu’on connaît la vérité qu’ensuite on peut rendre la justice ou aller vers une justice ou bien même médiation dans l’arbitrage. Mais d’abord on connaît la vérité et après on voit si on va sanctionner ousi on va négocier. Tant qu’on n’a pas mis la main sur cette vérité, un avocat il ne peut pas défendre.

Q: Vu votre expérience, pensez-vous dites que c’est d’habitude deux poids deux mesures dans la justice, c’est-à-dire que si vous êtes bien né, vous échappez plus facilement aux problèmes judiciaires que quelqu’un qui ne l’est pas?

Aujourd’hui, ce qu’on voit souvent ici, c’est un monde inversé. Ce qui est beau, c’est villain. Ce qui est juste, c’ est faux. Ce qui est faux, c’est juste. La vérité est un mensonge. Un mensonge, c’est une vérité.

En France, personne ne peut savoir à quel point c’est puissant. C’est très puissant. Il y a deux points. Un, la France fonctionne sur un modèle inversé. Et deux, on n’a donné pas qu’à des juges, mais à des instances très importantes.

Je pense par exemple à l’ARCOM, l’autorité de régulation de l’audiovisuel. On a donné à des autorités administratives indépendantes ou à des magistrats un maximum de pouvoir alors que ce sont des gens 9 fois sur 10 militants et incompétents.

Ceci soulève par ailleurs la question de la démocratie au sein de cet état de droit. Quid de la démocratie? Symboliquement Thémis, la déesse de la justice, a les yeux bandés parce qu’elle ne doit pas voir et parce que pour juger elle doit rester neutre et impartiale. Mais si vous lui enlevez le bandeau, ce qu’on vit aujourd’hui c’est qu’elle voit la personne qu’elle doit punir et elle va adapter sa peine en fonction de la personne qui est en face puisqu’on lui a ôté symboliquement le bandeau.

Q: Ce que vous dites est grave. C’est vrai que les démocraties européennes sont toutes en dérive quelque part.

Alors je parle bien sûr mieux de mon pays que de ce qui se passe peut-être au Mali ou au Chili parce que je suis français, parce que j’y exerce.

En laissant Maître Gerald nous espérons seulement qu’il y a plus de personnes comme lui, brillants, et qui se battent pour la justice.