Les enfants dans les conflits armés
Le Conseil de sécurité a tenu un débat public sur le sort des enfants dans les conflits armés alors même que des informations faisaient état de l’enlèvement, par Boko Haram, d’environ 500 jeunes femmes et enfants, dans la ville de Damasak, au nord du Nigéria. Pratiquement au même moment, le monde apprenait que Boko Haram avait enlevé plus de 500 jeunes femmes et enfants.
Leila Zerrougui, la représentante du Secrétaire Général sur les enfants dans les conflits armés, a d’emblée rappelé que « malgré le consensus et nos efforts conjugués pour épargner aux enfants les affres de la guerre, nous sommes chaque année confrontes à de nouveaux défis. »
De fait, les enlèvements de masse de femmes et d’enfants sont devenus une tactique de guerre utilisée de façon systématique pour terroriser, soumettre et humilier des communautés entières. Les enfants sont enlevés à des fins de recrutement et d’utilisation pour toutes sortes de tâches. Ils servent de boucliers humains et le corps des petites filles sont utilisés pour commettre des attentats suicides, a dénoncé le Secrétaire général de l’ONU qui a expliqué que dans tous les conflits, les filles sont souvent les victimes de l’ombre.
François Delattre, le représentant français a mis l’accent sur les scènes de violence décrites dans le livre de Junior Nzita « Si ma vie d’enfant soldat était racontée » et qui ont été et sont encore, le quotidien de milliers d’enfants en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, en République centrafricaine, en Syrie, en Irak et ailleurs. « Parmi ces graves violations, je souhaite aujourd’hui insister sur les enlèvements, dont 90% sont commis par les groupes armés non-étatiques, et qui sont devenus une tactique de terreur systématique des groupes extrémistes comme Boko Haram et Daech. La situation est particulièrement difficile pour les filles qui subissent des violences sexuelles et sont forcées à l’esclavage, au mariage et à des grossesses qui rendent d’autant plus difficile leur séparation des groupes armés.
Le problème n’est pas nouveau : des milliers d’enfants soldats sont constamment enrôlés de force même si on note quelques timides progrès : en République centrafricaine et en République Démocratique du Congo où la campagne de sensibilisation entreprise par les Nations Unies auprès des groupes armés, a permis-en 2014, la libération de près de quatre mille enfants. Au Darfur, certains groupes ont pris des mesures concrètes pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants. Au Mali, la MINUSMA a obtenu du MNLA et d’autres groupes armés l’engagement de ne plus utiliser les enfants. « Nous devons nous assurer que la protection des enfants fasse partie des négociations de manière cohérente et systématique, et qu’elle soit reflétée dans tout accord de paix » a témoigné Leila Zarrougui, qui a sollicité l’appui de la Communauté internationale et celui de tous les partenaires, car, a-t-elle ajouté, « la prise en compte de la protection des enfants est essentielle pour construire une paix durable. »
De fait, les initiatives prises par les Etats pour combattre les groupes extrémistes et la menace qu’ils font peser sur la paix et la sécurité internationale ne sont rien si on ne s’assure pas que ces mesures ne sont pas sources de nouveaux risques pour les enfants qui se retrouvent prisonniers de conflits, contraints de se livrer à des actes criminels dont ils ne sont pas responsables.
« Il n’est pas rare que les enfants associés ou suspectés d’association aux groupes armés soient arrêtés et maintenus en détention, parfois dans des conditions déplorables, sans inculpation ni jugement, » a affirmé la représente spéciale sur les enfants qui a rappelé que lorsqu’ils sont inculpés, les enfants sont différés devant des juridictions spéciales ou militaires qui les privent de leur droit à une justice impartiale et réparatrice, et qui prend en considération leur statut de mineur. « Il ne faudrait pas oublier que ces enfants sont avant tout des victimes de ces groupes armés, et aussi des victimes de notre incapacité à assurer leur protection. »
La violence et la brutalité avec laquelle les groupes armés traitent les enfants, laissent la Communauté internationale sans voix, au sens propre du terme. En Syrie, en Iraq, au Nigeria et dans beaucoup d’autres pays, les enfants sont les premières victimes de ces groupes qui n’ont plus rien d’humain et l’ONU peine a faire entendre sa voix. Et ce n’est pas le débat public d’aujourd’hui qui va permettre de trouver une solution. Certes, l’ONU va déplorer, condamner, s’indigner, bref, utiliser tous les termes dont elle dispose mais ensuite ?
Le retour de ces enfants au sein de leur famille pose un défi supplémentaire aux associations chargées de leur réintégration. Les programmes ne sont pas adaptés aux besoins des enfants par ailleurs, dans de nombreux cas, les familles lorsque ce ne sont pas des villages, ne veulent plus de ces enfants considérés comme des criminels –ils ont souvent commis des atrocités dans ces mêmes villages. Alors que faire pour mettre fin et prévenir le recrutement d’enfants par des groupes armés mais aussi par les forces armées gouvernementales ? Tant que la Communauté internationale ne mettra pas en place des mesures drastiques susceptibles de s’attaquer aux violations perpétrées par groupes armés quels qu’ils soient, les enfants continueront d’être les victimes innocentes.
« Condamner avec force ces violences barbares est important mais ne suffit pas. Il est temps de nous montrer plus efficaces sur le terrain. Le combat pour la protection des enfants dans les conflits armés engage chacune et chacun d’entre nous. Il doit rassembler la communauté des Nations dans la condamnation mais aussi et surtout dans l’action, »
a assuré le représentant français. Pour lui, la lutte contre l’impunité demeure indispensable pour décourager et empêcher les violations graves par de nouveaux acteurs. « Je veux souligner le message envoyé par la Cour pénale internationale dont le premier jugement, confirmé en appel, a reconnu Thomas Lubanga coupable des crimes d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans. La CPI élabore à ce titre une stratégie d’ensemble sur la protection des enfants, initiative que nous encourageons et saluons. »
Célhia de Lavarène, Mars 2015