« Les Samedis de la poésie de l’IMA » Entre tradition et modernité, la poésie arabe en lumière à Paris

6 September

L’automne littéraire bat son plein et c’est avec une impatience palpable que l’on assiste aux retrouvailles des « Samedis de la poésie » à la bibliothèque de l’Institut du monde arabe.

La poésie, considérée par les Arabes comme un héritage culturel d’une valeur inestimable, continue d’être nourrie et diversifiée par les poètes contemporains. Ils s’aventurent hors des sentiers battus, participant activement au renouvellement de la langue arabe. Dans une démarche qui vise à mettre en lumière non seulement l’originalité mais aussi l’universalité de ce trésor littéraire, depuis septembre 2023, ce rendez-vous mensuel à la (re)découverte de la poésie arabe s’est inscrit dans les agendas des amateurs de vers et de prose.

À l’origine de ces rencontres, nous retrouvons Farouk Mardam-Bey, historien reconnu, écrivain passionné, essayiste perspicace et directeur éditorial chez Sindbad. Il est cette figure emblématique qui illumine le paysage culturel arabe en France. Farouk Mardam-Bey, ou devrais-je dire « Monsieur littérature arabe », offre au public une maîtrise remarquable des nuances et des tendances actuelles qui façonnent la littérature s’étendant du Maghreb au Proche-Orient.

Avec un programme riche en lectures, chants et musiques, ces « Samedis » promettent d’enrichir le dialogue entre les cultures. Un pont entre les mots et les mondes. Cette édition de rentrée puisera au riche corpus de la poésie soufie, avec un choix de poèmes d’Al Hallaj, Ibn al Farid et Ibn Arabi, précédés par une évocation de la première grande figure féminine de la mystique musulmane, Rabia al Adawiya et accompagnés d’éblouissants textes en prose d’Al Niffari.

L’essor de la poésie mystique arabe s’est manifesté au Xe siècle, période où la tradition soufie a commencé à s’exprimer de manière écrite. Avant cette époque, bien que d’éminents soufis aient marqué leur temps, leurs enseignements n’ont pas été consignés dans des écrits formels, à l’exception notable des Epîtres d’Al Junayd. Les fragments de leur sagesse nous sont parvenus principalement par l’intermédiaire de leurs disciples. C’est le cas des vers et maximes prêtés à Rabia Adawiya, des éclats extatiques de Bayazid Bistami, ou encore des paroles de Dhu Nun Misri.

Les thèmes fondamentaux du soufisme, qui n’en étaient alors qu’à leurs prémices de l’amour divin, considéré comme absolu et sans partage, à la notion de fana, l’extinction de l’âme dans l’essence divine, et même l’idée d’une union mystique avec le Créateur se sont par la suite densifiés. La poésie, par sa nature même, s’est révélée être le vecteur idéal pour traduire, dans toute la mesure du possible, l’expérience personnelle et transcendante de l’extase mystique. Pour ce faire, elle s’est fréquemment approprié les métaphores érotiques et bachiques de la tradition poétique arabe. Cette appropriation s’est faite de concert avec le développement d’une prose littéraire empreinte de lyrisme, de concision et parfois d’ellipses, toutes caractéristiques reflétant la même aspiration à l’expression du sentiment mystique.

En somme, la poésie soufie de langue arabe, avec son envolée au Xe siècle, témoigne d’une quête spirituelle d’une intensité sans pareil. Les figures emblématiques du soufisme, bien qu’elles n’aient pas laissé d’œuvres écrites exhaustives, ont marqué de leur empreinte indélébile l’univers de la mystique musulmane. Leurs paroles, transmises et magnifiées par leurs disciples, résonnent encore aujourd’hui comme des échos de l’âme en quête d’absolu.
Les thèmes abordés par ces pionniers du soufisme, tels que l’amour divin inconditionnel et l’anéantissement en Dieu, continuent de nourrir la réflexion et l’inspiration des chercheurs et des amateurs de la spiritualité. Ces concepts, qui semblaient en germe dans les premiers temps, ont fleuri en une riche tradition poétique qui dépasse les frontières et les siècles, témoignant de la profondeur et de l’universalité de l’expérience soufie.

La poésie soufie, dans sa sublime expression, reste une invitation à plonger au cœur de l’expérience humaine la plus intime, celle de la connexion avec le Divin. Elle nous interpelle, nous émeut et nous élève, offrant un refuge à l’âme dans les méandres du temps. Elle est à la fois un patrimoine culturel, un legs spirituel et un pont tendu vers l’infini. Ainsi, en refermant les pages de ce voyage au sein de la poésie soufie, nous ne pouvons que rester émerveillés devant la richesse et la profondeur de ce courant mystique qui, bien au-delà des mots et des vers, invite à une expérience transformative. Les voix des soufis, portées par le souffle de la poésie, continuent de nous inspirer et de nous guider vers une compréhension plus profonde de l’existence, où l’amour et la spiritualité se fondent en une harmonie éternelle.

F. Guemiah

INTERVENANTS
Farouk Mardam-Bey, Présentation
Né à Damas, conseiller culturel à l’Institut du monde arabe de 1989 à 2008, Farouk Mardam-Bey dirige depuis 1995, chez Actes Sud, la collection Sindbad, et est lui-même auteur, coauteur ou traducteur d’une vingtaine d’ouvrages à caractère historique, politique, littéraire, gastronomique ou bibliographique. Le prix Unesco/Sharjah pour la culture arabe lui a été décerné en 2014 et le prix Mahmoud Darwich en 2022.

GHADA KHALIL
Lecture en arabe
Journaliste-animatrice depuis 35 ans, Ghada Khalil commence sa carrière à Beyrouth avant de travailler en France à Radio Orient. Depuis 11 ans journaliste à Monte Carlo Doualiya, elle a couvert de nombreux festivals culturels dans le monde arabe, réalisé des interviews avec de grands écrivains et artistes, effectué du doublage de documentaires et des lectures de poésie

HAMMOU GRAÏA
Lecture en français
Formé au Conservatoire national d’art dramatique de Paris, Hammou Graïa débute sa carrière cinématographique avec Baton rouge de Rachid Bouchareb et joue dans plusieurs films notables comme Les Côtelettes de Bertrand Blier et Pour elle de F. Cavayé; récemment, il incarne un rôle principal dans la série Alger confidentiel d’Abdel Raouf Dafri. Au théâtre, il commence aux Amandiers sous la direction de Patrice Chéreau puis collabore avec J-L. Martinelli.

NAZIHA MEFTAH
Accompagnement au chant
Naziha Meftah est née à Chefchaouen au Maroc. Sa voix unique fusionne l’arabo-andalou, le melhoun et d’autres registres classiques orientaux, tout en développant sa propre identité artistique. Elle a enregistré plusieurs albums et participé à divers festivals en France et à l’international, obtenant une reconnaissance notable dès 1990 en tant que « première voix arabe de Paris »

YVAN NAVAÏ
Accompagnement musical au santour
Premier prix de piano à l’unanimité avec les félicitations du jury pour son Diplôme d’études musicales, « Prix d’excellence au concours international de piano Léopold Bellan », lauréat d’excellence du concours international de piano « Les Clefs d’Or », Yvan Navaï se produit sur de nombreuses scènes. Il joue également du santour, de l’accordéon chromatique et du trombone, compose, et a publié un livre-CD, La Mer des sons (Editions Carnets-Livres).